Fondatrice de l’Appartement Français et à la tête de plusieurs boutiques dédiées à la démocratisation du Made In France, Émilie Auvray poursuit son aventure avec la confiance qui lui sert de boussole.
Émilie Auvray, fondatrice et dirigeante de l’Appartement Français, se serait sans doute bien passée du coup de projecteur que lui a donné Shein en s’installant au BHV Marais, à deux pas de sa nouvelle boutique dédiée aux marques «Made in France». Un gouffre sépare le géant de l’ultra fash fashion de ce concept store qui prône «le bon, le beau, le local» et la simplicité. «J’aurais préféré ne pas profiter de ce spectacle mais cela a donné de la visibilité médiatique à L’Appartement Français et de nombreux anciens clients du BHV sont venus nous voir en nous disant qu’ils ne fréquenteraient plus ce grand magasin. » Une forme de résistance s’est donc organisée. «Un point de bascule», selon Émilie Auvray qui a l’impression que la «consommation raisonnée» reprend un peu de pouvoir et que les consommateurs sont davantage à la recherche de cadeaux utiles, que, peut être, «on passe d’un système à l’autre». Même si, elle le conçoit, il faudra du temps pour que le «Made in France», la consommation locale, s’imposent.
Mais Émilie Auvray est une optimiste de nature et rien ne semble l’arrêter dans ses projets. Pas question pour elle de baisser les bras quand elle a su que Shein deviendrait l’un de ses plus proches voisins. Elle en a vu d’autres.
Agilité et confiance
Émilie Auvray s’est lancée dans cette aventure de L’Appartement Français, avec un associé en 2017. Elle venait de passer un peu plus de douze ans au service de la marque de cosmétiques britannique Lush après avoir obtenu un MBA Marketing et Management du luxe. «Je me suis toujours sentie libre et je n’ai pas peur des pages blanches. A 18 ans je suis partie en Écosse. J’y suis restée cinq ans et j’adorais les boutiques Lush en Grande-Bretagne. Quand je suis rentrée en France, je les ai contactés pour leur dire qu’il fallait qu’ils soient présents en France.» A tout juste 25 ans, l’entreprise lui donnera la responsabilité d’introduire la marque dans l’Hexagone. Elle participera à la création d’une cinquantaine de boutiques, deviendra directrice du développement pour l’Amérique Latine où elle gèrera l’ouverture d’une usine de production. «Tout juste sortie d’études, Lush m’a offert un cadeau : la confiance», écrit-elle sur son compte Linkedin. Cette expérience du retail, associée à cette «vision d’entreprise humaine, à cette confiance et cette agilité» lui donneront des ailes pour se lancer dans l’entreprenariat et dans ses autres missions.
«J’ai compris bien après, grâce au livre «Reinventing Organizations» de Frédéric Laloux (dans lequel il repense les organisations du futur donnant plus de place à l’humain, ndlr), ce que c’était de mettre la confiance au cœur de l’entreprise, cette confiance que m’avait alors accordée Andrew Gerrie, l’un des co-fondateurs de Lush», se souvient Emilie Auvray.
L’idée de créer sa propre entreprise n’est pas «l’idée du siècle», affirme-t-elle modestement. La dirigeante observe les difficultés des boutiques multimarques «Made In France». En 2017, selon son propre décompte, elles ne sont que onze sur le territoire, avec souvent des stocks qui ronronnent, et de mauvais emplacements. Elle décide alors de lancer un concept en mode dépôt-vente et éphémère, rue Verbois, dans le quartier du Marais, portée aussi par l’élan de « La Rue du Made in France », un mouvement de commerçants, né en 2018, tous engagés dans la préservation des savoir-faire locaux, dont elle deviendra «leader» quelques années plus tard. Cette première ouverture est suivie par trois autres soit 150 m2 de surface de vente dans une galerie des Champs Élysées… mais l’inauguration se déroule deux jours avant le mouvement des Gilets Jaunes, l’obligeant à une fermeture de six mois. «Mais nous sommes restés, avec toujours cette volonté d’être agiles et résilients. »
En 2019, le choix se porte sur une boutique plus petite, rue du Bourg-Tibourg, dans le quartier du Marais non loin de l’Hôtel de Ville. Mais cette fois, elle sera comme les autres commerçants contrainte à la fermeture à cause du Covid. «Il a fallu s’adapter. A chaque fois, nous avons fait de nouvelles rencontres, accueillis de nouvelles marques.» L’aventure continue avec l’ouverture d’un nouvel espace dans la même rue, qui sera dédié au prêt-à-porter et aux articles «vintage» car Émilie Auvray adore chiner. L’autre espace plus petit sera consacré aux baskets. En huit ans, plus de 500 marques seront distribuées. Dès 2020, au moment du confinement, elle fonde l’association du «collectif des boutiques du made in France» qui réunit exclusivement des boutiques indépendantes, multimarques, distribuant des produits très variés (mode, accessoires, déco, hygiène, objets etc) et spécialisées dans le made in France. «Il y en a 25 aujourd’hui. Il est important de se fédérer, de se soutenir.»
Fédérer et accompagner
Quand les services de la Mairie de Paris lui proposent de louer un commerce au 42 rue de La Verrerie, non loin du BHV, car ils veulent y voir un commerce engagé, Émilie Auvray n’hésite pas. «A côté du BHV, sur 200 m2, cela semblait formidable. Mon rêve devenait réalité». Une soixantaine de marques sélectionnées s’engagent. L’arrivée de Shein, une surprise pour la dirigeante, va bien entendu venir perturber la vie de ce nouveau concept-store éphémère. «On a eu le sentiment qu’il nous déclarait la guerre», a-t-elle déclaré dans un article paru dans Le Parisien, qui citait Frédéric Merlin, le dirigeant de la Société des Grands Magasins (SGM) qui a fait entrer Shein dans son grand magasin.
Dans son «Appartement Français», Émilie Auvray réunit des marques de tous les univers, du linge de maison aux jouets. Au total avec ces différents points de vente, elles sont 120. «Je n’ai pas besoin d’aller les chercher. Elles viennent chez nous. Nous avons aussi un site de vente en ligne mais qui joue plutôt un rôle de vitrine». Ses prochaines étapes ? «Je ne sais pas», répond la dirigeante. «Faire rayonner le Made in France, rendre les produits accessibles pour tout le monde, continuer à fédérer des commerçants au sein du Collectif des boutiques du made in France et enrichir un guide pour donner de la visibilité aux commerces de savoir-faire locaux dans chaque ville française».
Tournée vers les autres avec cette entreprise qui s’engage à être bonne pour la planète et pour les hommes, Émilie Auvray trouve encore le temps d’accompagner des dirigeants, entrepreneurs, au sein de l’association EVH qui se présente comme «un lieu unique de ressourcement et de transformation pour dirigeants afin d’être plus humains, plus performants pour nous-mêmes, pour nos entreprises, pour nos collaborateurs et donc pour les résultats de nos sociétés». Elle y pratique du coaching et elle accompagne aussi les familles avec la méthode des Constellations familiale et systémiques. «J’ai aussi accompagné mon mari dans la maladie. Rien ne me fait peur aujourd’hui. Ma seule frustration est de ne pas toujours avoir assez de temps», déclare avec conviction cette maman de trois enfants.
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