En plein essor, le e-commerce à destination des entreprises est dopé par les places de marché et par l’adoption de nouveaux usages tech comme l’intelligence artificielle et la data science. Des entreprises témoignent.
La vente en ligne pour les professionnels vit-elle une profonde mutation ? Oui ! Longtemps perçu comme un simple canal de vente supplémentaire, le e-commerce en B2B est aujourd’hui au cœur des stratégies commerciales et relationnelles. Selon les derniers chiffres de la Fevad, il a pesé plus de 400 milliards d’euros en France en 2024. Ce changement de paradigme s’explique par plusieurs facteurs : la maturité des entreprises face au numérique, l’évolution des attentes des clients et l’adoption d’usages tech comme l’intelligence artificielle et la data science.
Récemment, lors de la conférence «Innovation B2B 2024», plusieurs experts du secteur ont partagé leur vision et leurs expériences sur ces mutations et ont unanimement souligné une tendance de fond : le e-commerce B2B n’est plus une question de «faut-il y aller ?», mais bien de «comment aller plus loin et mieux faire ?».
Digital et humain, un duo indissociable

C’est un fait que le e-commerce ne peut plus être perçu comme une alternative aux forces de vente traditionnelles. Aujourd’hui, il est clair que digital et humain doivent cohabiter intelligemment. «Nos commerciaux ont dû repenser leur rôle. Le numérique prend en charge les tâches les plus chronophages, leur permettant de se recentrer sur la relation client et le conseil stratégique», souligne ainsi Olivier Cianelli, ex senior vice-président commerce de Sonepar France, distributeur de matériel électrique et électronique et qui a récemment pris le poste de directeur général Relais d’Or (Groupe Pomona).
Concrètement, cette hybridation se traduit par l’émergence de nouveaux outils et processus. Sonepar a renforcé l’accompagnement de ses clients en formant ses forces de vente à l’usage des plateformes digitales et en automatisant le traitement des commandes pour réduire les délais de réponse. Chez Grands Moulins de Paris, fabricant de farines, ingrédients et fournitures pour la boulangerie, Fabrice Bonnet, directeur e-business, met l’accent sur cette évolution essentielle : «Nos boulangers commandent de plus en plus fréquemment en ligne, mais ils ont toujours besoin de contact humain. Nos commerciaux deviennent des accompagnateurs « numériques » qui guident les clients dans l’utilisation de ces outils.» Pour y parvenir, l’entreprise a investi dans un support client enrichi, combinant chatbot et assistance téléphonique dédiée.
Ce modèle hybride devient incontournable pour conjuguer efficacité commerciale et personnalisation du service. Une étude réalisée par Next Content sur l’e-commerce et les services numériques dans les pratiques d’achats B2B pour la Fevad et publiée en février, le confirme : le besoin de support humain reste encore très important. Dans le cadre de leur dernier achat en ligne, 42% des acheteurs avaient ainsi échangé avec le fournisseur en amont, pendant ou après la commande. Le taux monte à 50% quand l’acheteur évolue dans une grande structure (250 salariés ou plus). La possibilité de contacter à tout moment un conseiller par chat ou visio lors de la commande en ligne constitue d’ailleurs une attente très partagée (22% au global, 28% parmi les acheteurs des structures de 250 salariés ou plus). La moitié des acheteurs interrogés a par ailleurs déjà utilisé des services de conversation automatisés de type chatbot sur des sites et applications (60% pour ceux qui ont moins de 50 ans) et un tiers environ (34%) dans le cadre de leurs achats professionnels.

Les marketplaces, catalyseurs d’opportunités
Les places de marché sont pour leur part en train de transformer le paysage du secteur. Elles offrent un accès simplifié à une offre plus large, permettent une mise en concurrence des fournisseurs et optimisent la gestion des achats. «Les entreprises recherchent aujourd’hui de la flexibilité et de la rationalisation dans leurs emplettes. Les marketplaces permettent de centraliser et d’optimiser les achats tout en offrant une grande diversité de fournisseurs», constate Mélissa Essengué, directrice commerciale France chez Amazon Business. La plateforme américaine a d’ailleurs développé des outils d’analyse avancés pour que les acheteurs professionnels optimisent leurs dépenses et adaptent leurs stratégies d’approvisionnement.
Un constat que partage Fabrice Bonnet, qui a fait le pari d’ouvrir une place de marché chez Grands Moulins de Paris : «nous avons voulu créer un écosystème complet pour nos artisans boulangers, en réunissant tous les produits essentiels à leur activité sur une même plateforme» En intégrant une sélection rigoureuse de fournisseurs partenaires et en mettant en place un service de paiement centralisé, l’entreprise fluidifie les transactions tout en améliorant l’expérience utilisateur. Cette évolution du marché pousse les entreprises à revoir leur stratégie. Certaines choisissent d’intégrer une marketplace existante, d’autres préfèrent créer leur propre plateforme. Le choix repose sur des enjeux de contrôle des données, d’autonomie et de relation client.

L’intelligence artificielle pour une expérience client augmentée
Fait récent, l’IA bouleverse les usages en B2B, notamment en automatisant certaines interactions et en améliorant la pertinence des recommandations. Nathalie Chapusot, directrice générale groupe, marketing, e-commerce et technologies chez Raja, connu pour ses fournitures de bureau et équipements industriels pour les entreprises, illustre cet usage avec le lancement de Boxy, un assistant virtuel dédié à l’emballage. «Nos clients nous demandaient souvent quel type d’emballage utiliser pour tel ou tel produit. Nous avons développé une solution IA qui analyse les besoins et propose les meilleures options», explique-t-elle. Grâce à cette innovation, Raja aurait réduit de 30 % le temps de sélection produit pour ses acheteurs et augmenté la satisfaction client.
De son côté, chez Sonepar, Olivier Cianelli imagine pour sa part un futur où l’intelligence artificielle anticipera les besoins des clients. «Nous travaillons sur des systèmes capables de générer automatiquement un agenda de visites commerciales basé sur les besoins exprimés par les acheteurs et leur historique d’acquisition», précise le responsable. Sonepar a mis en place des algorithmes prédictifs capables d’identifier les moments clés où un client est susceptible de passer commande et d’optimiser les relances commerciales. L’IA devient ainsi un assistant incontournable, améliorant l’efficacité tout en offrant une expérience plus fluide et personnalisée.

La RSE au service du e-commerce B2B
Préoccupation montante, la transition écologique n’épargne pas le e-commerce B2B. Les clients sont de plus en plus exigeants sur l’impact environnemental de leurs achats. «Nous devons repenser l’emballage en proposant des alternatives durables. Aujourd’hui, nous avons remplacé une grande partie de nos emballages plastiques par du papier recyclable», affirme Nathalie Chapusot. Raja a également intégré des filtres RSE sur son site e-commerce, pour que les acheteurs identifient facilement les produits écoresponsables.
Amazon Business s’inscrit aussi dans cette démarche. Mélissa Essengué met en avant les outils de reporting qui ont été développés : «nos clients peuvent suivre leur impact environnemental grâce à des indicateurs clairs sur leurs achats. Cela leur permet de prendre des décisions plus éclairées.» Amazon Business cherche à accompagner ses clients dans l’optimisation de leur empreinte en facilitant l’accès aux produits locaux et aux fournisseurs certifiés.
Mais performance et responsabilité sociétale peuvent-elles coexister ? Nathalie Chapusot apporte une réponse. «La transformation digitale repose sur cinq piliers : travail, transformation, transversalité, transparence et ténacité. L’important est d’avancer avec conviction et adaptabilité», estime la responsable.
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