Après un été marqué par des fuites massives de données, le secteur du retail et de l’e-commerce doit repenser sa cybersécurité. De la gouvernance interne à la gestion de la chaîne logistique numérique, les pistes se multiplient pour renforcer la confiance des consommateurs et protéger la compétitivité des enseignes.
Les cyberattaques subies par Auchan, Louis Vuitton ou Cartier mettent en lumière une réalité désormais incontournable : la cybersécurité n’est plus un simple poste technique, mais un levier stratégique. «Les entreprises qui considèrent la sécurité comme un coût finissent par payer deux fois : une première fois pour le négliger, une seconde fois en gestion de crise», rappelle Vincent Strubel, directeur général de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), lors de la présentation du rapport annuel 2024 de l’institution).
Pour les enseignes, la question dépasse la technique : il s’agit de protéger un capital immatériel, la confiance. Dans un contexte où l’omnicanal et la personnalisation des parcours client exigent toujours plus de données, la moindre faille peut fragiliser la relation avec le consommateur. Comme le souligne le Techradar Pro dans une analyse récente, les cybercriminels exploitent désormais «la valeur marketing des données» plus encore que leur valeur financière immédiate.
Fermer les brèches de la supply chain numérique
La répétition des attaques via des prestataires tiers démontre que la cybersécurité du retail ne peut plus se limiter aux murs de l’entreprise. C’est tout l’écosystème qui doit être sécurisé. Cela suppose des audits réguliers des partenaires, une contractualisation stricte des obligations de sécurité, mais aussi une visibilité accrue sur la circulation des données. «Les enseignes doivent adopter la logique du zero trust (aucune confiance), non seulement en interne, mais aussi vis-à-vis de leurs fournisseurs», insiste Damien Gbiorczyk, d’Illumio. Autrement dit, ne jamais considérer qu’un prestataire est sûr par défaut, et limiter au maximum les accès qu’il détient. Cette approche, combinée à des techniques de micro segmentation réseau, permet de contenir une intrusion et d’éviter sa propagation à l’ensemble du système d’information.
Former et sensibiliser : la première barrière
Une autre leçon de l’été 2025 est l’importance du facteur humain. Dans le cas de Scattered Spider, les attaques ont reposé en grande partie sur l’ingénierie sociale, exploitant la crédulité ou la surcharge d’information des employés. La sensibilisation des collaborateurs, mais aussi des partenaires, reste donc un pilier. «La majorité des intrusions réussies commencent par un clic malheureux», aime rappeler Jérôme Notin. Former régulièrement les équipes, simuler des attaques de phishing, instaurer des réflexes de vérification : ces gestes simples peuvent réduire considérablement le risque. Dans un environnement où l’automatisation progresse, la vigilance humaine demeure un atout décisif.
Préparer la gestion de crise
Si la prévention est indispensable, elle ne peut suffire. Les incidents survenus cet été montrent que la rapidité de réaction est essentielle pour limiter l’impact d’une attaque. La communication auprès des clients, la notification aux autorités (CNIL pour la France), la mobilisation d’experts externes : tout doit être anticipé. «La gestion de crise cyber doit être répétée comme un exercice incendie», estime Florent Plonquet, RSSI chez Jules, lors d’un atelier à l’évènement Ready For IT. L’idée est simple : mieux vaut s’entraîner en temps calme plutôt que d’improviser dans l’urgence. Pour les enseignes du commerce, cette préparation devient un facteur de différenciation : celles qui démontrent leur résilience rassurent leurs clients et préservent leur image.
Vers une cybersécurité comme argument de confiance
À l’heure où le consommateur est de plus en plus attentif à la protection de ses données, le commerce de détail peut transformer la cybersécurité en atout concurrentiel. Certaines enseignes commencent déjà à communiquer sur leurs dispositifs de protection, ou à mettre en avant leurs certifications de conformité (ISO 27001, RGPD, futur règlement européen NIS2). Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large : celui d’un commerce où la confiance devient le socle de l’expérience client. Comme le résume un rapport cyber pour Vogue Business : «l’avenir du retail ne se jouera pas seulement sur le digital et l’omnicanal, mais sur la capacité à garantir la sécurité de ces environnements.»
Une vigilance appelée à durer
L’été 2025 aura servi de rappel : la menace cyber dans le retail n’est plus un risque hypothétique, mais une réalité quotidienne. Elle oblige les enseignes à repenser leur gouvernance numérique, à renforcer leur collaboration avec leurs partenaires et à investir dans la formation comme dans la technologie.
Dans le commerce connecté, la cybersécurité n’est pas un luxe : c’est une condition de survie.
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