Les plateformes chinoises rebattent les cartes du marché de la mode

Temps de lecture : 6 minutes

Les ventes en ligne progressent @clesdudigitalPortées par la croissance des transactions, les ventes en ligne progressent mais les prix bas et les promotions continuent de tirer le marché. Dans le collimateur des principales organisations professionnelles du commerce qui veulent les déréférencer, les plateformes chinoises participent pour leur part à recomposer le marché du textile… et trouvent de nouveaux alliés. Pimkie vient de s’associer à Shein pour vendre ses collections sur la plateforme.

La progression est toujours là. Mais les ventes e-commerce n’échappent pas à la morosité ambiante. Si la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) vient d’annoncer une hausse de + 7,9% de chiffre d’affaires au premier semestre 2025, c’est moins que les + 9,6% de l’an dernier pour la même période. Mais surtout le chiffre d’affaires des plus de 150 000 sites marchands actifs observés par la fédération est porté par les services (+10%) tandis que les ventes de produits s’affichent à + 4%. «La croissance sur les produits est moins forte que celle du trimestre précédent puisqu’elle était de 10%. Ce qui est intéressant en revanche, c’est de voir que la croissance des transactions c’est-à-dire du nombre de commandes reste soutenue à plus 11,3% », souligne Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Les Français commandent davantage mais avec des paniers moins importants. Le panier est en recul de 3,1% à 67 euros sur le semestre avec une baisse de 3% sur les produits.

Les promotions prennent du poids

Ces tendances de marché se retrouvent aussi dans l’analyse des sites leaders suivis par le panel iCE 100, qui offre une vision à périmètre constant de l’évolution du e-commerce, secteur par secteur. Au cours des six premiers mois de l’année, les sites du panel voient leurs ventes aux particuliers progresser de 5,3% par rapport à la même période l’an dernier et ce, malgré la baisse du panier moyen. Le second trimestre est meilleur que le premier avec une croissance de 6,3%. «C’est aussi une période qui correspond aux grandes opérations promotionnelles, French Days, soldes… Nous voyons le poids de ces promotions dans la croissance du e-commerce», observe Marc Lolivier. Si les ventes aux particuliers se sont bien passées, ce n’est pas le cas pour les ventes professionnelles qui reculent de moins 2,6%. «Le climat des affaires est assez morose. L’incertitude règne et les entreprises hésitent à investir.»

La seconde main prend de l’ampleur

Parmi les secteurs les plus dynamiques figurent le sport (+5,8 %), l’électronique et électroménager (+4,5%) et le meuble/décoration (+2,2 %). Les segments habillement (+0,1 %) et beauté (+0,6 %) restent stables. «Le meuble et la décoration, un secteur qui avait pas mal souffert ces derniers temps, se redresse. La reprise reste encore encore timide mais la baisse des taux d’intérêt sur l’immobilier ancien peut expliquer ce rebond. L’habillement -chaussures qui avait beaucoup souffert pendant la période inflationniste s’est redressé mais nous assistons quand même à une forme de stabilisation avec un plus 0,1% tiré notamment par les ventes pour l’homme et la seconde main qui prend aujourd’hui une ampleur considérable pas seulement dans la mode. Enfin l’attractivité pour les prix bas et les réductions, avec l’impact notamment des plateformes chinoises, poussent aussi à des politiques tarifaires à la baisse. Cet enjeu du prix est extrêmement important pour les Français. Le commerce de détail reste lui même «flat» voire en léger recul sur le premier semestre 2025 », note Marc Lolivier.

La part des achats d’habillement sur Internet continue de croitre

Le poids des ventes de textile sur Internet continue néanmoins de grossir. Selon les derniers chiffres de l’IFM (Institut Français de la Mode) commentés par Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’IFM qui questionne tous les mois des distributeurs et qui a lancé un nouveau baromètre consommateur avec environ 1250 personnes interrogées tous les mois, le commerce en ligne totalise désormais 30,7 % des achats totaux d’habillement en valeur pour les sept premiers mois de année 2025.

Si l’année 2024 s’est terminée avec des ventes en hausse de 1,7% avec une dynamique venue des modèles des retailers « click and mortar », les sept premiers mois de l’année 2025 enregistrent un plus 0,8%. «On voit qu’il y a un certain essoufflement. L’environnement économique n’est pas favorable et les arbitrages des consommateurs se font au détriment de leurs achats de mode même si l’inflation est derrière nous. Dans nos enquêtes, les consommateurs nous disent très fréquemment qu’ils considèrent que les produits de mode sont trop chers. La perception par rapport au prix a beaucoup évolué sur les dernières années avec l’arrivée aussi de l’ultra fast fashion et de la seconde main. Les consommateurs ont en quelque sorte une perception un peu brouillée des prix des vêtements. Le milieu de gamme est souvent trois fois plus cher que l’ultra fast fashion. Les écarts entre les prix se sont énormément accentués, ce qui rend la tâche beaucoup plus complexe pour les acteurs historiques», souligne Gildas Minvielle.

Les ventes en ligne progressent @clesdudigitalLes hypermarchés restent des acteurs importants le textile

Avec son nouveau baromètre, l’IFM montre par ailleurs que le paysage des enseignes évolue. Parmi les acteurs majeurs, pour les sept premiers mois de l’année 2025, Temu fait son entrée dans le top 15 des enseignes de mode selon les achats en quantités, sur internet et en magasin. Ce top 15 est dominé par Vinted, qui devance Kiabi, Amazon, Decathlon et Shein. Les acteurs de l’ultra fast fashion Shein et Temu, avec des politiques de prix très agressives, se distinguent par les prix moyens d’achat les plus bas du marché. « Les acteurs de l’ultra fast fashion sont bien placés. Le sport est aussi bien représenté avec Adidas, Intersport, Decathlon ainsi que des grands acteurs internationaux H&M et Zara. Les hypermarchés qui ont perdu des parts sur les dix dernières années et ont connu une forte concentration avec récemment Cora absorbé par Carrefour, restent des acteurs très importants dans notre secteur et sont bien représentés dans le classement avec Carrefour, Auchan ou Leclerc dans le top 15. »

L’IFM a aussi réalisé un classement des enseignes en se basant sur les prix moyens des achats en magasin et sur internet. L’ultra fast fashion se positionne avec un prix moyen de 9 euros pour Shein, contre 14 euros pour Vinted et 13 euros pour Kiabi, 25 euros pour Decathlon ou 28 euros pour Amazon. Comme l’a constaté la Fevad, la part des achats de la seconde main dans la consommation de mode sur internet et en magasin progresse (11,9% en valeur) tandis que celles des soldes et des promotions atteignent 34,9%. Les jeunes générations (18-24 ans) sont les plus consommateurs de seconde main sur Internet ( 17,8% alors que la moyenne du marché est à 11,9%) et semblent moins attirées par des soldes et des promotions que leurs ainés.

Enfin les plus gros sites de ventes d’habillement en volume sont Vinted à la première place, suivi dans l’ordre par Amazon, Shein, Temu, Zalando, Kiabi, Aliexpres qui est en huitième position, puis Bershka et Decathlon. En valeur,  les sites des enseignes « click and mortar » représentent 35% des ventes en ligne tandis que les plateformes de seconde main à l’instar de Vinted et de Vestiaire collective pèsent 18%. Les plus puissants sont les plateformes d’Amazon et de Zalando  (à 47%)

«Beaucoup d’enseignes « click and mortar », qui vendent sur internet en en magasin ont une part des ventes e-commerce dans leur chiffre d’affaires qui est plutôt inférieure à 10%. Elles ont donc un potentiel de croissance important», estime Gildas Minvielle qui rappelle que le duo Shein-Temu pèse à lui seul 16% des achats d’habillement en ligne, « ce qui est considérable ».

Pimkie se rallie au géant de l’ultra fast fashion

Les perspectives pour 2025 restent moroses avec un scénario pessimiste à moins 2% pour les ventes d’habillement. «L’ultra fast fashion participe à une recomposition du marché ». La Fevad et d’autres fédérations dont le Conseil du commerce de France appellent d’ailleurs à nouveau les pouvoirs publics à s’emparer du sujet. « Il faut aussi que l’Europe prenne ses responsabilités si on veut protéger la souveraineté européenne et française. Il est important de faire appliquer les mêmes règles à tous. » La demande a été faite à l’Europe d’avoir un outil pour référencer les sites à l’instar du site californien Wish qui vendait des produits directement importés de Chine et qui avait été sorti des moteurs de recherche et des appstores. «Un article du DSA (réglement européen des services numériques, ndlr) prévoit cette possibilité», rappelle Marc Lolivier.

Mais l’alliance entre les acteurs français commence à se fissurer. L’enseigne d’habillement Pimkie vient en effet de créer un joint-venture avec Shein pour fabriquer et vendre des collections sur son site avec l’objectif de réaliser 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec Shein d’ici à 2028, selon son directeur général et actionnaire, Salih Halassi. L’entrepreneur avait racheté l’enseigne à la famille Mulliez en 2023, avec les soutiens de Lee Cooper France et Ibisler Tekstil. Cet accord marque le lancement en France du programme Shein Xcelerator conçu pour accompagner les marques de mode. Pimkie sera distribuée sur la marketplace de Shein, tout en accédant aux services logistiques, de production à la demande et de gestion des commandes proposés par la plateforme. Pour Yann Rivoallan, président de la Fédération de Prêt-à-Porter Féminin, cette alliance est « une véritable honte ». Le professionnel s’est fendu d’un post sur Linkedin pour dénoncer cette décision qu’il qualifie « d’irresponsable ». « M. Halassi : ne déshonorez pas la mode française. Ne salissez pas l’histoire de Pimkie, de ses salariés et de ses clients. M. Halassi : renoncez à ce partenariat », insiste t-il tout en rappelant que « en France et en Europe,  le combat continue ! ».

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