Malgré les réglementations, les sites e-commerce ne sont pas accessibles pour tous, faute d’intégrer les informations adaptées dans le code, le plus souvent.
Les personnes avec un handicap visuel abandonnent leurs achats en ligne quatre fois sur cinq, faute de trouver un parcours d’achat tenant compte de leurs contraintes. Pourtant ces personnes utilisent des technologies d’assistance qui devraient rendre les sites internet accessibles à tous. Mais ils ne sont que rarement conçus pour les aider pleinement. C’est la conclusion d’une étude sur l’accessibilité numérique menée par la Contentsquare Foundation avec Ipedis, Numerik-ea, Temesis et Razorfish : la plupart des sites audités présentent des obstacles majeurs empêchant la navigation ou le paiement.
Pourtant, la puissance publique multiplie des règlements pour améliorer l’accès pour tous. La directive européenne European accessibility act (EAA) en vigueur depuis le 28 juin 2025, impose les règles d’accessibilité à toutes les entreprises. Seules les TPE dans le BtoC réalisant moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et comptant moins de 10 salariés, y échappent pour l’instant. De même que les entreprises dans le BtoB réalisant moins de 250 millions d’euros du chiffre d’affaires. L’analyse de cette accessibilité numérique est basée sur la norme européenne WGAC 2.2 et sa transposition française connue sous le nom de RGAA, pour Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité. Ces référentiels doivent faciliter la compatibilité pour les lecteurs d’écran, la facilité de saisie des formulaires, la navigation au clavier et au focus et plus généralement les contrastes.
Des sites français mal notés
Les auteurs de l’étude ont passé au crible une cinquantaine de sites e-commerce les plus fréquentés en Europe ainsi que cinq marketplaces. Leur constat : 94 % des sites audités obtiennent un score inférieur à 7,5/10 sur les critères d’accessibilité. La moyenne des sites français est de 3,6 sur 10. Soit moins bien que les sites allemands, avec une moyenne de 4,7 sur 10. Seuls les marketplaces s’en sortent un peu mieux, avec un score de 6 sur 10.
Les pages « Listes de produits » et « Détails de produits » affichent des scores bas, de 3,6 et 3,4 respectivement. Bien souvent, les internautes malvoyants n’atteignent même pas les pages de paiement. Ceux qui y parviennent, doivent affronter plusieurs écueils disséqués plus en détail dans l’étude.
Les checkouts sont invisibles pour les lecteurs d’écran dans 84% des cas. Principale raison : les boutons et les champs ne sont pas nommés dans le code. Alors au lieu de lire le texte de l’étiquette du bouton «Procéder au paiement», le lecteur d’écran lit «Bouton».
Les formulaires sont une autre source de rejet. Surtout en l’absence d’auto-remplissage pour les champs d’adresse, carte bancaire etc : 77% des formulaires ne le proposent pas, un frein majeur pour les personnes souffrant de handicaps visuels, cognitifs ou moteurs. Les erreurs lors de la saisie sont souvent signalées uniquement par la couleur du champ ou une bordure rouge autour : deux tiers des parcours d’achat (66%) se contentent d’un code couleur ou bien présentent un contraste insuffisant entre le texte et le fond, excluant les daltoniens et les malvoyants.
La cause de nombreux abandons de panier
La navigation au clavier est empêchée dans 42% des cas par l’apparition d’une pop-up. L’internaute reste alors bloqué à l’intérieur de la fenêtre, le focus saute d’un champ à l’autre mais sans parvenir à la fonction «Commander». La difficulté causée par les pop-up aux personnes utilisant les moyens d’accessibilité est d’ailleurs confirmée par d’autres observateurs. «Un tiers des abandons d’achats en ligne sont liés à des problèmes d’accessibilité numérique, notamment liés aux pop-ups », selon une étude sur les freins lors de l’achat en e-commerce réalisée par le cabinet AccessiWay avec l’Institut Opinéa.
«Ces failles ne sont pas esthétiques, elles bloquent littéralement l’accès à la transaction », soulignent les auteurs. Et pointent la triade des risques associés : des risques financiers par la génération des paniers abandonnés, des risques légaux face à la nouvelle législation européenne, et enfin les risques réputationnels évidents.
«L’e-commerce inclusif est une contrainte, mais de cette contrainte va naitre la créativité dans la communauté de design, veulent croire les auteurs. L’accessibilité doit être pensée comme un pilier du design et de l’expérience utilisateur ».
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