Les arts de la table mettent le couvert de la RSE

Temps de lecture : 7 minutes

arts de la table les enjeux de la RSE @clesdudigitalActeurs et professionnels des arts de la table se sont réunis lors d’un colloque les 26 et 27 juin 2023 à Paris ​​pour échanger et explorer les enjeux de l’omnicanalité et surtout de la RSE, un sujet que certains industriels du secteur ont déjà pris à bras le corps.

 

Le marché des arts de la table résiste plutôt bien en France. Au total il a atteint plus de 3 milliards d’euros en 2022 dont 2,3 milliard pour la vente aux particuliers selon l’institut Xerfi. Plus de 24 000 points de vente se partagent ce gâteau et le chiffre d’affaires des détaillants a progressé de 10%. Mais ce marché doit aussi se transformer, passer en mode omnicanal, répondre aux nouveaux enjeux de la RSE et aux nouvelles habitudes de consommation, en particulier des plus jeunes. C’est pour éclairer les professionnels du secteur sur tous ces sujets brulants que la Confédération des Arts de la Table (CAT) et la SAFI, organisateur du salon Maison et Objet, ont organisé un colloque sur le thème «La RSE se met à table : contraintes ou opportunité de création de valeur ?», ​​les 26 et 27 juin 2023 à Paris.​​

Le programme très riche a fait intervenir de nombreux experts sur les sujets de la gestion des emballages, du commerce  engagé, de l’éco-conception, de l’employabilité, fait témoigner sur scène des marques qui ont pris de l’avance dans le domaine de la seconde main dont Petit Bateau ou MediaClinic, des prestataires comme CircularX,  le consultant en commerce durable omnicanal et fondateur de Smart Commerce, Stéphane Marthe, mais aussi des représentants de l’Ademe, des organisations comme Enitiko engagé à aider les dirigeants du secteur à relever un défi du recyclage du verre usagé, et d’autres encore.

Le premier critère d’achat reste le prix

Comme tous les univers de la consommation, ce marché subit, en effet, de profondes mutations. Si 70% des Français cuisinent très souvent des repas faits-maison, ces habitudes sont moins ancrées chez les plus jeunes de 18 à 34 ans (57%), selon une étude du comité professionnel Francéclat avec Synetam (qui réunit les équipementiers de la restauration et des arts culinaires). Plus de la moitié (54%) se font livrer des repas contre 28% pour l’ensemble de la population. Les plus jeunes prônent aussi une démarche plus éco-responsable : 57% d’entre eux achètent souvent ou quelquefois des aliments en vrac.

arts de la table les enjeux de la RSE @clesdudigitalLe point de vente physique reste pour sa part plébiscité pour les achats. Selon les produits (vaisselle, verres, couverts, boites), entre 50% et 60% des transactions sont réalisées exclusivement en magasin, 40 à 46% sont des achats mixtes et environ 4% s’effectuent exclusivement en ligne. Mais là encore les plus jeunes mixent davantage les différents canaux (43% à 57% selon les familles de produits). Les achats se font principalement dans les hypermarchés et supermarchés (46% pour la vaisselle, 45% pour les verres, 49% pour les couverts, 58% pour les boites), suivis par les grandes surfaces spécialisées en mobilier et décoration (49%, 44%, 39% et 35%), les discounters et solderies (30%, 29%, 27% et 41% pour les boites) suivis de près par les boutiques de centres villes et indépendants, les magasins en propre des arts de la table et les grands magasins.

Que ce soit en physique ou sur le web, le premier critère d’achat reste le prix (51%) mais la qualité arrive en seconde position dans les magasins tandis que les promotions sont recherchées en ligne. Bien qu’il ne soit pas classé parmi les critères déterminants, le «made in France» est attendu par 41% des consommateurs interrogés et 74% se disent prêts à payer plus cher pour acheter français.

Une labellisation RSE apporte de nombreux bénéfices

Les critères RSE arrivent loin derrière. Il n’empêche, la loi AGEC, les réglementations en cours et à venir en matière de gestion des emballages (qui concernent déjà les professionnels de la restauration), les pressions des consommateurs, obligent désormais toutes les entreprises à prendre la voie de la durabilité et à se labelliser. C’est sur ce point qu’Alain Jounot, responsable du département RSE du groupe Afnor, a insisté. Après avoir rappelé la définition de la norme ISO 26000 (norme de l’Organisation internationale de normalisation établissant les lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale des entreprises) il a énoncé les principaux bénéfices d’une labellisation RSE pour les entreprises : consolider leur image et leur réputation vis-à-vis des consommateurs et des citoyens, améliorer leur capacité d’innovation, favoriser leurs partenariats grâce à une meilleure connaissance des parties prenantes, devenir plus attractives pour mieux recruter… «Une entreprise qui n’est pas RSE va être amenée à mourir dans les dix années qui viennent», a-t-il prédit.

arts de la table les enjeux de la RSE @clesdudigitalUne démarche source d’économie

Certaines d’entre elles ont déjà pris une longueur d’avance sur ces sujets. «La RSE est un enjeu majeur d’aujourd’hui et de demain pour les entreprises. Ce sont des questionnements, des décisions à prendre qui font toujours avancer l’entreprise dans le bon sens et qui permettent de rester toujours en mouvement», a souligné Béatrice Brandt, directrice générale de Le Jacquard Français et présidente de la commission export à l’UIT (Union des Industries Textiles). L’entreprise fondée en 1888, reconnue pour ses nappes tissées, a toujours fabriqué en France et privilégié les circuits courts. L’an dernier, elle a nommé un responsable RSE pour encore progresser. Mais d’ores et déjà elle réduit ses packagings, réutilise ses déchets, améliore la sécurité au travail, cherche aussi à diminuer sa consommation d‘énergie avec de nouvelles technologies comme l’encollage à froid. La PME n’hésite pas à se faire accompagner pour répondre aux enjeux de la loi Agec, collabore avec des partenaires externes, participe au scoring RSE mis en place à La Redoute (avec Positive Workplace) et dont l’objectif est d’engager les marques nationales et ses vendeurs marketplace à s’orienter vers une amélioration de leurs pratiques. «Pour nous, cette démarche est source d’économie et une opportunité business. Nous pouvons nous adresser à une nouvelle cible avec nos fibres recyclées «éco-friendly» et allons lancer un site de seconde main à la rentrée, toucher aussi de nouveaux consommateurs en proposant des services de location», raconte la dirigeante.

Cette fibre RSE fait partie de l’entreprise Jean Dubost. La PME familiale, dirigée par la quatrième génération, labellisée «Entreprise du patrimoine vivant» fabrique des couverts de table, des couteaux et ustensiles de cuisine et cherche constamment à innover. Les contraintes en matière de RSE «stimulent l’inventivité», estime Benoit Berot, directeur commercial et marketing. L’entreprise travaille sur des gammes éco-conçues depuis 2018, avec par exemple des manches de couteaux en amidon de maïs. Le coutelier coopère avec une start-up parisienne pour le recyclage de ses déchets plastiques. «Nous avons sollicité une labellisation et entrepris une démarche collective avec toutes les équipes. C’est important de savoir où nous en sommes et de continuer à travailler dans la durée pour les années à venir. Le label permet de mesurer. Il faut matérialiser les choses avec des indicateurs simples», ajoute Benoit Berot. «Nous travaillons avec un consultant qui nous aide».

arts de la table les enjeux de la RSE @clesdudigitalDes consommateurs en avance

Si les industriels ont entrepris de nombreuses démarches en matière de RSE, la distribution doit aussi s’emparer du sujet. «Des pure-players comme Ebay, Leboncoin, se sont saisis de la seconde main et nous constatons une vraie appétence sur ce sujet, avec de belles marques qui y vont. Notre conviction c’est que les fabricants mais aussi les distributeurs ont des atouts. Mais comment mesurer la valeur du produit ? La route n’est pas droite et chaque secteur est différent», souligne Gautier Feld, cofondateur de CircularX, une plateforme technologique SaaS adossée à Recommerce Group, spécialiste européen du reconditionnement de produits high-tech, et utilisée notamment par Boulanger ou encore Decathlon. «Nous arrivons toujours à trouver des leviers de rentabilité mais cela prend du temps», ajoute le dirigeant, prenant l’exemple de Decathlon qui a commencé par installer des dépôts-vente Trocathlon sur les parkings de ses magasins il y a quelques années.

Dans ce domaine, le marché des arts de la table doit encore trouver sa place. «De nombreuses questions se posent, en matière de transports, d’offres à créer pour accompagner des consommateurs dans leurs changements de vie. Mais nous sommes convaincus que tous les acteurs peuvent trouver leur place». S’ils n’entreprennent pas cette démarche, ce sont les consommateurs qui s’organisent entre eux. «Le troc, les brocantes, la seconde main, ce n’est pas nouveau et les consommateurs sont toujours en avance par rapport aux entreprises», estime pour sa part Philippe Cougé,  président fondateur de MediaClinic, une enseigne avec un réseau de franchises qui luttent contre le gaspillage électronique, et qui est devenue aussi une licence de marque pour la grande distribution comme pour U-Techno (Système U). «Sur notre marché, un smartphone se change en moyenne tous les deux ans et le nerf de la guerre c’est le pricing. Il faut s’inspirer des tendances. Nous avons la chance de nous appuyer sur une base de données de 79000 produits et de pouvoir monitorer les prix. C’est un modèle économique complexe», observe Philippe Cougé.

Petit Bateau, toujours cité en exemple, cherche à «être au plus près du prix attendu par le client», comme l’explique Yasmine Arsalane, directrice expérience client et services de la marque. «Il faut que cette expérience de seconde main soit simple, accessible. C’est d’abord une aventure humaine et nos équipes doivent être très réactives. Le sujet de la rentabilité arrive vite avec la peur que la seconde main cannibalise les produits neufs. Il faut penser ses collections, ses stocks différemment. C’est un vaste changement à opérer. Aujourd’hui, la seconde main drive 10% de nouveaux clients dans nos magasins et 15% sur le digital et la fréquence d’achat s’est accrue en boutique», raconte Yasmine Arsalane. «Notre système basé sur les volumes doit se réinventer», estime pour sa part Stéphane Marthe qui, pendant cet événement, a vanté à force d’exemples les nombreuses vertus de l’économie circulaire.

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