Amal El Fallah Seghrouchni : porte-voix d’une IA responsable et éthique

Temps de lecture : 4 minutes

Amal El Fallah Seghrouchni @clesdudigitalInvitée à débattre au dernier salon One to One Expérience Client à Biarritz sur la place de l’IA sur la scène géopolitique, Amal El Fallah Seghrouchni est une experte en intelligence artificielle et en informatique. Elle participe activement aux réflexions et débats relatifs aux impacts sociétaux de la digitalisation et de l’IA et milite pour la mise en place de garde-fous éthiques.

Rien ne prédestinait Amal El Fallah Seghrouchni à devenir une chercheuse renommée en intelligence artificielle. Si ce n’est l’exigence de ses parents qui souhaitaient que leurs sept enfants fassent des études poussées. Mission réussie : la fratrie réunit aujourd’hui un mathématicien, des médecins, une avocate… «Mon père me disait que le meilleur héritage c’est le savoir, et il avait raison»,  commente Amal El Fallah Seghrouchni. Passionnée par les arts, la peinture et le théâtre, elle grandit à Rabat au Maroc, passe beaucoup de son temps à écouter la radio. «La voix c’était magique», se souvient-elle. Elle aime écrire des poésies et s’imagine artiste. Mais elle est aussi une élève brillante, réussissant aussi bien dans les matières littéraires que scientifiques. Son père la pousse alors à faire des maths. «Il me disait que je pourrais toujours faire de l’art pour m’amuser».

Fraîchement diplômée d’un lycée de Rabat, elle part pour l’université Louis Pasteur de Strasbourg puis découvre l’informatique. «Je m’y suis plongée car c’était beaucoup moins abstrait que les maths». Sa maîtrise en poche, elle poursuit son cursus pour un DEA2 à cheval entre l’Université Paris-Saclay et l’École des Ponts ParisTech. «L’intelligence artificielle en était encore à ses débuts et je suis tombée dans la marmite ! Je voulais comprendre l’humain, voir comment reproduire l’intelligence humaine avec l’intelligence artificielle ». Elle fait un doctorat à Paris VI puis devient Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord. Dans sa série de portraits publiée en ligne, la faculté qui la considère comme une véritable «pionnière de l’intelligence artificielle», revient sur son riche parcours, rappelant qu’elle a participé à la création de l’équipe ADAge6, entièrement dédiée à ce que l’on nommera bientôt IA, qu’elle a présidé le collège SMA de l’Association Française d’Intelligence Artificielle (jusqu’en 2011), est devenue professeure en 2002 de l’Université Paris Nanterre où elle développera des collaborations internationales, rappelant aussi qu’elle a travaillé en collaboration avec les entreprises Thales et Dassault Aviation.

Amal El Fallah Seghrouchni @clesdudigitalUn centre d’excellence en IA créé au Maroc

En janvier 2020, elle devient par ailleurs titulaire de la chaire industrielle d’excellence Thales-SCAI Abu-Dhabi, qui s’appuie sur l’IA hybride pour concevoir des radars intelligents. «Je suis toujours en poste à l’université Paris-VI, mais lorsque mon mari a été nommé au Maroc à la direction d’une organisation équivalent à la CNIL en France et que nous avons été un peu séparés par le Covid, je me suis installée au Maroc pour y créer un centre d’excellence en IA que j’ai moi-même baptisé Ai Movement ». Le centre s’adosse à l’Université Mohamed 6 Polytechnique (UM6P) à Rabat et son projet lui vaut d’être nommée pour le Prix de la Femme de l’année 2021 aux Berkeley World Business Analytics Awards. La scientifique très impliquée dans le développement durable, l’inclusivité, est persuadée que l’IA a un rôle à jouer dans ces domaines. «Comment utiliser ses capacités pour ne pas épuiser les ressources ? », interroge-t-elle. «Nous voyons le monde vivre au rythme des changements et certaines personnes sont déclassées, n’arrivent pas à utiliser les nouveaux outils technologiques. Et la rupture entrainée par le numérique n’est rien comparée à celle qui est entrainée par l’IA».

Remarquée par l’UNESCO pour ses interventions sur la manipulation de l’information, sur l’éthique et l’éducation, elle intègre sa Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) en janvier 2020. Elle a aussi participé à l’initiative «AI for the Planet» dont l’objectif est de réunir aux Nations Unis décideurs, chercheurs en IA et secteur privé pour discuter et lancer des actions pour endiguer le changement climatique et favoriser la recherche et l’innovation dans ce domaine. «J’ai une casquette de scientifique mais j’avais envie aussi de sensibiliser sur les addictions et les «nudges»  (technique de persuasion qui vise à influencer ou à encourager le comportement des individus, ndlr)». Convaincue «qu’il faut protéger l’IA de l’humain pour protéger l’humain de l’IA», Amal El Fallah Seghrouchni multiplie les conférences et les interventions, prônant pour les nécessaires réglementations et les réflexions éthiques à mener pour accompagner le déploiement de l’IA. « Je défends aussi un marketing responsable et toute personne qui diffuse de fausses informations doit être punie« , estime la chercheuse.

Amal El Fallah Seghrouchni @clesdudigitalAprès avoir inauguré son «Ai Movement», dont le centre névralgique est situé sous le « Dôme de l’Intelligence Artificielle », au sein de Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), un hub national et continental visant à «stimuler les débats nécessaires à l’émergence d’une intelligence artificielle responsable et éthique en Afrique», Amal El Fallah Seghrouchni se consacre également à la Fondation OCP dont le programme est de former des femmes africaines et de les accompagner dans les domaines de la tech et de l’IA. «Nous les aidons à pitcher sur leurs projets, à lever des fonds». Amal El Fallah Seghrouchni a encore d’autres grands projets à mener pour faire «rayonner encore plus haut son centre d’IA au Maroc et lui donner encore plus de visibilité au niveau international ». Et son objectif personnel est d’aller toujours plus loin, en briguant un poste aux Nations Unis pour défendre ce qui lui tient à cœur. Entre ses interventions aux quatre coins du monde, ses animations de conférences avec « leur côté théâtral » qu’elle aime tant, l’encadrement de doctorants, il lui reste encore un peu de temps pour écrire des poèmes pour elle-même, avant peut-être de se remettre plus tard à la peinture à l’huile.

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