En pleine croissance, le retail média suscite l’intérêt des retailers et des annonceurs mais il nécessite une vraie transformation des process en interne et une acculturation des équipes, y compris des vendeurs en magasin.
Dans une industrie aux marges souvent faibles, le retail média apparait comme un nouvel eldorado pour les distributeurs. Aux Etats-Unis, Walmart vient de débourser 2,3 milliards de dollars pour racheter le fabricant d’appareils domestiques connectés Vizio, dans l’objectif de renforcer son activité de retail média omnicanal Walmart Connect. Le but est aussi d’accélérer face à Amazon. Ce «maître du retail média» comme le qualifie Emmanuel Vivier, co-fondateur du Hub Institute, «est devenu progressivement le troisième plus grand acteur de la publicité numérique aux Etats-Unis derrière Google et Facebook». En 2024, les revenus publicitaires d’Amazon pourraient atteindre près de 53 milliards de dollars selon Insider Intelligence qui estime que le retail media représentera près de 20 % du marché mondial de la publicité digitale cette année. En France, c’est le levier qui croît le plus en matière d’investissements publicitaires digitaux à plus 24% l’an dernier. …«Le retail media, c’est la capacité d’un retailer à monétiser ses forces, c’est-à-dire sa data, ses inventaires, son écosystème, sa plateforme, et de les combiner, de les mettre à profit pour des marques partenaires qu’il distribue, ou externes», rappelle Tanguy Le Falher, head of retail partnerships chez Unlimitail. «Le retail média c’est un peu la troisième vague de la publicité digitale après le Search avec un « petit ovni » qui s’appelle Google, après le Social dans les années 2010 avec Facebook. L’enjeu pour les retailers est d’être plus «value driven» et de générer plus de revenus et de marges tandis que les marques peuvent montrer la valeur de leurs investissements marketing et commerciaux».

Nouvelles alliances
Les alliances se nouent et de nombreux distributeurs américains et européens ont ouvert leur agence média (voir graphique ci-dessus du Hub Institute). En juin dernier, les groupes Carrefour et Publicis ont ainsi lancé leur joint-venture, du nom de Unlimitail, pour répondre à la demande croissante du retail media en Europe Continentale, Brésil et Argentine. Basé sur des technologies de Publicis «CitrusAd powered by Epsilon» avec la connaissance de Carrefour Links dans le retail media, elle a déjà converti Kingfisher France, les Galeries Lafayette, Rakuten France, Showroomprivé, ÏDKIDS, LuisaViaRoma, MyOrigines… «Ce que l’on cherchait c’est de grandir à deux avec cet enjeu de «scale»», ajoute Tanguy Le Falher.
Pour autant, le retail média reste un sujet complexe et pas toujours bien compris. «Tout le monde en parle mais il reste encore pas mal d’éducation à faire», estime Gwenola Coicaud, directrice retail media France chez Kingfisher et récemment invitée à s’exprimer sur ce sujet lors d’un événement du Hub Institute. Quand elle arrive il y a un peu plus de cinq mois pour prendre ses fonctions dans le groupe connu pour ses enseignes Castorama et Brico Dépôt, sa première mission est de présenter cette activité lors de la traditionnelle convention avec les fournisseurs. En réalisant un sondage à main levée, elle s’aperçoit avec surprise que moins de 50% de l’assemblée de 400 personnes savent ce que recouvre réellement le retail média.
Pourtant ce marché évolue très vite. «Et il gagne en maturité», estime Anders Hjorth, consultant Retail Media dans la société de développement informatique EPAM, peu connue en France mais qui réunit plus de 55 000 personnes dans le monde. «Il y a d’énormes chantiers en route, dont une définition commune lancée par l’IAB (Interactive Advertising Bureau), des cartographies, des glossaires. Cela va très vite. Il y a une prise de conscience autour de la valeur de la donnée « first party » liée à la fin de des cookies tiers. Les enseignes se rendent compte qu’il y a des choses à faire avec ces données en matière de performance médias ou d’expérience utilisateurs».

Mesurer chaque dispositif mis en place
Il s’agit aussi de répondre aux exigences des annonceurs, habitués aux grands plans médias traditionnels. «Notre mission chez Kingfisher Retail Media, c’est de mettre à disposition des industriels du monde du bricolage des informations et des outils pour qu’ils puissent développer leurs performances omnicanales. Tout cela ne se fait pas en un jour. Nous avons démarré chez Castorama en 2021 avec des phases de MVP où on a testé des solutions. En 2022 notre priorité a été de développer des solutions sur la plateforme e-commerce. Cela passe par des « displays » directement dans notre site e-commerce et beaucoup d’échanges avec nos équipes UX et commerciales pour que le terrain de jeu soit bien compris de l’ensemble de l’entreprise. Et puis en 2023, on passe à la phase de déploiement».
L’entreprise se dote alors d’outils technologiques pour accélérer. Désormais la responsabilité de Gwenola Coicaud est de mettre à l’échelle cette activité pour Castorama et Brico Dépôt. L’approche se fait en trois temps, avec toujours la data qui est la clé. «Il faut comprendre le comportement d’achat des consommateurs mais il faut aussi comprendre les «assets» d’un retailer que sont la gestion des stocks, des ventes, de la saisonnalité, que ce soit magasin par magasin ou dépôt par dépôt. Nous sommes dans une analyse fine du comportement d’achat et des opportunités de croissance de l’industriel. Notre objectif est de proposer des plans marketing performants qui passent par un ensemble de solutions que l’on déploie sur nos propres plateformes e-commerce ou nos magasins, en utilisant nos données et l’écosystème externe. Et enfin, l’intérêt c’est d’être en capacité de mesurer chaque dispositif que l’on a mis en place».
Quand les fournisseurs deviennent des annonceurs, c’est aussi toute l’entreprise dans cet univers de la distribution qui se transforme. «Il faut une acculturation autour du retail media, que ce soit vis à vis des équipes e-commerce, de la direction commerciale surtout, mais aussi des équipes en magasin pour que tous comprennent l’enjeu de cette relation avec les industriels». Les outils et supports technologiques quand à eux doivent répondre à des dimensions «onsite» (paid search, sponsored products, video ads,…), « offsite » et «instore» (display banner, social media ads, streaming, TV ads, emailing,…). L’activité retail media, c’est aussi développer des revenus pour les distributeurs avec des équipes commerciales adhoc. «C’est l’une de mes responsabilités avec celle de mettre en place une équipe qui va produire tous les dispositifs d’analyse, toutes les campagnes», précise Gwenola Coicaud. Kingfisher noue aussi des partenariats avec des tiers notamment avec EPAM qui a récemment lancé une solution en lien avec Google.
Je souhaite lire les prochains articles des Clés du Digital, JE M’INSCRIS A LA NEWSLETTER
Laisser un commentaire