L’écosystème français des startups reste fragile

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levées de fonds continuent de battre des records @clesdudigitalLes levées de fonds continuent de battre des records en France mais certaines startups pourraient créer de mauvaises surprises.

En 2018, si le nombre d’opérations n’a progressé que de 7%, les montants moyens ont bondi de 40% pour atteindre 3,62 milliards d’euros selon le baromètre EY du capital-risque. L’année 2019 s’annonce aussi comme un bon cru puisque plus de 2,6 milliards d’euros ont déjà été totalisés sur le premier semestre. En juin dernier, c’est la solution de mise en relation entre photographes et entreprises Meero, fondée par Thomas Rebaud, qui a mené un tour d’investissement à 230 millions de dollars (205 millions d’euros). L’entreprise a annoncé qu’elle comptait faire travailler 1 200 personnes dans ses cinq bureaux d’ici la fin de l’année et elle revendique 58 000 photographes inscrits sur sa plate-forme. Autre exemple : celui de Wynd qui après une levée de fonds de 30 millions d’euros auprès de Sodexo et Orange en 2016, a bouclé un tour de table de 72 millions d’euros auprès de Natixis, Sofina et BNF Capital en janvier dernier.

L’écosystème des jeunes pousses reste néanmoins fragile comme le prouve, par exemple, la récente défaillance de Oyst. Elle a été placée en liquidation judiciaire début juin parce qu’elle n’aurait finalement pas concrétisé la levée de 2 millions d’euros annoncée à l’automne 2018 comme l’ont expliqué les deux dirigeants au site Maddyness. D’autres startups s’affichant parmi les mieux valorisées, annonçant aussi de belles références auprès de grands comptes, mais qui ne se sont en réalité que des POC toujours restés au stade de prototypes, pourraient aussi créer quelques mauvaises surprises. Il n’y a pas encore en France d’exemple similaire à celui de Theranos, l‘entreprise américaine d’Elizabeth Holmes spécialisée dans les services médicaux, construite comme une fable et qui s’est écroulée comme un château de cartes. Mais il existera toujours des créateurs d’entreprises assez talentueux et beaux parleurs pour attirer des investisseurs parfois crédules, ou qui ont la chance de rencontrer des lobbyistes aux moments opportuns de leur carrière. « Il suffit parfois qu’un premier fonds important morde à l’hameçon pour que les autres suivent », observe un entrepreneur de la French Tech. « Certains fonds ont tendance à investir parce qu’il le faut. C’est leur boulot. La plupart des startups font de l’amorçage, en commençant par la « love money », en passant par le réseau entreprendre ou la BPI qui les oblige à structurer leur démarche. Ensuite, et hormis des fonds sérieux à l’instar de Partech, de Serena, et d’autres encore, il y a des entreprises de capital-risque de séries A, B et C qui sont devenues du « grand n’importe quoi » », poursuit-il.

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Romain Vidal

La plupart des investisseurs examinent les dossiers avec beaucoup d’attention et font d’abord confiance aux entrepreneurs qu’ils rencontrent. « La personnalité du fondateur est pour moi le premier critère de sélection. Je passe beaucoup de temps avec eux », explique Romain Vidal, partner chez CapHorn Invest. « Les critères d’investissement, c’est un peu comme dans le commerce, c’est le bon emplacement et l’équipe, les hommes, en particulier le fondateur prêt à rester sur son bateau quoiqu’il arrive, car le produit, on peut toujours le réécrire. Il faut par ailleurs savoir se positionner et se spécialiser sur un marché. J’ai rencontré des patrons de jeunes pousses qui ont réussi à lever beaucoup de fonds, qui expliquent qu’ils savent tout faire, peuvent équiper des enseignes avec leur plateforme omnicanale en moins de six mois, en mode cheval de Troie, et à des prix défiant toute concurrence et au final qui éditent des solutions qui ne tiennent pas du tout la route. Ce type d’exemple risque d’imploser», estime pour sa part Laurent Balayre, ex-investisseur, qui a notamment soutenu Jonathan Cherki, le fondateur de Contentsquare à ses débuts.

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Laurent Balayre

Depuis six ans chez CapHorn Invest, Romain Vidal a déjà investi chez Critizr, Vékia, Allure Systems, Antvoice, Fidzup, Simplifield, ou encore Revers.io. « Lorsque nous investissons c’est d’abord pour travailler avec des entrepreneurs. Certains que nous avons déjà pu rencontrer, ont beaucoup de talent pour raconter des histoires. Mais il suffit de faire la différence entre ce qu’ils ont réellement facturés et ce qu’ils annoncent avoir « booké »  pour se rendre compte que ce qu’ils racontent est tiré par le cheveux ». L’écosystème français qui aurait trois à six ans de tard par rapport aux États-Unis, serait cependant en passe de le rattraper. « Toutes les erreurs que l’on peut faire actuellement, ils les ont déjà faites. Nous allons vers une maturité du marché et sommes moins dans l’excès que les Américains. Il y a cependant un risque non négligeable de voir certaines jeunes pousses se brûler les ailes », ajoute Romain Vidal.

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