#NRF2020 : les retailers mondiaux face à un consommateur inquiet et en quête de sens

Temps de lecture : 8 minutes

NRF2020 nouvelles technologies au service du commerce @clesdudigitalComme chaque année, le NRF Retail’s Big Show qui vient de fermer ses portes a mis en avant les nouvelles technologies au service du commerce. Mais alors que la manifestation a démarré sous une température printanière de 18 degrés,  inédite pour cette période, une bonne partie des interventions ont porté sur l’urgence, celle de se transformer bien sûr, tout en écoutant les nouvelles préoccupations des consommateurs inquiets pour la planète, en quête de sens et à la recherche de produits durables.

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Chris Baldwin

Les marques et les distributeurs mondiaux font face à d’immenses défis. Et les technologies seules ne suffiront pas à les atteindre et à les dépasser même si les investissements massifs réalisés dans ce domaine au cours des dernières années portent leurs fruits en particulier en matière de satisfaction des consommateurs. 60 % déclarent ainsi que ces investissements ont amélioré leur expérience en magasin selon Chris Baldwin, le président du conseil d’administration de NRF, et président de BJ’s Wholesale Club qui s’est exprimé en ouverture du salon. Et ce n’est pas fini puisque selon Satya Nadella, président de Microsoft, l’immense réservoir de données généré par le commerce (40 téraoctets par heure selon ses chiffres) devrait encore aider à mieux connaître ses clients, à responsabiliser les employés, à créer une chaîne d’approvisionnement intelligente et réinventer les business modèles. « Donner des données aux employés est la chose la plus importante que vous puissiez faire pour obtenir un retour sur investissement. Cela augmente votre taux de conversion de 15 % et votre taux de satisfaction de 10 % », a-t-il affirmé en citant Ikea, qui a développé une application pour simplifier la manière dont les personnels réorganisent leurs horaires afin de les adapter à leurs propres besoins et au trafic dans les magasins. « Il faut changer la dynamique. Vous avez, en tant que détaillants, l’atout le plus précieux : les données sur le comportement des consommateurs à des fins commerciales », a-t-il insisté.

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Satya Nadella

Priorité aux marques durables

Du côté des consommateurs toutefois, les préoccupations sont davantage centrées sur des questions liées aux données sur les produits et sur les entreprises qui les fabriquent. Selon une vaste étude menée par IBM en partenariat avec la National Retail Federation (NRF) et présentée lors du salon, un tiers d’entre eux cesseront d’acheter leurs produits préférés s’ils perdent confiance dans la marque, et un tiers d’entre eux l’ont déjà fait. L’enquête a été réalisée auprès de 19 000 consommateurs de 28 pays, de toutes les catégories démographiques et générations. L’objectif était d’une part de comprendre comment les décisions d’achat individuelles évoluent et d’autre part d’aider les entreprises à naviguer dans cet univers de consommation complexe et changeant. Les consommateurs donnent désormais la priorité aux marques durables, transparentes et conformes à leurs valeurs fondamentales et ils seraient prêts à payer plus cher, voire même à changer leurs habitudes d’achat, pour celles qui font bien les choses. En même temps, les comportements d’achat ont changé radicalement. Les consommateurs font leurs achats quand et où bon leur semble – généralement en faisant autre chose. « Alors que les achats impulsifs étaient autrefois la norme, aujourd’hui sept consommateurs sur dix font des achats dans des « micro-moments » où en accomplissant en même temps leurs tâches quotidiennes ».

NRF2020 nouvelles technologies au service du commerce @clesdudigitalD’où l’intérêt des retailers de les suivre dans tous leurs moments de vie voire même dans leur véhicule ou dans leur taxi. C’est ce que propose start-up Ivee, basée à Los Angeles. La jeune pousse sélectionnée par l’Innovation Lab du salon NRF a développé une technologie embarquée de « Mobility as a Service » destinée aux véhicules de transport. L’objectif est que les marques restent en contact avec les consommateurs pendant et après leur trajet via des tablettes connectés et qu’elles leur offrent de nouvelles expériences. « Avec 225 millions de minutes par jour passées dans des véhicules de transport, Mobility as a Service est un canal de marketing émergent et Ivee aide les passagers à profiter de ce temps d’inactivité », estime Alex Giannikouils, fondateur et Pdg d’Ivee qui a déjà mené un pilote avec les taxis Uber à Los Angeles et propose ce service exclusivement sur des véhicules écologiques.

« Le marché moderne a créé une nouvelle génération de clients qui ont des exigences plus élevées. Les résultats révèlent des changements majeurs dans leurs  comportements d’achat. Les enseignes devront changer fondamentalement leur façon de créer une affinité avec la marque »,

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Alex Giannikouils

souligne le rapport d’IBM qui profite aussi de ces résultats pour faire quelques recommandations aux détaillants. Les marques doivent, par exemple, aller au-delà de la simple offre de services pratiques ou plus rapides pour gagner la confiance des clients. Elles doivent donner un accès facile et plus rapide à des informations détaillées auparavant jugées inutiles, comme la façon dont les produits sont fabriqués et dans quelles conditions, la qualité des ingrédients, s’ils sont durables ou proviennent de sources éthiques… Les outils de traçabilité, de gestion intelligente des inventaires pour avoir des stocks justes, et de prédiction ont le vent en poupe. IBM prône pour sa part pour sa chapelle c’est-à-dire pour l‘utilisation de la blockchain. Celle-ci est par exemple déployée par un producteur d’huile d’olive tunisien qui intègre la traçabilité dans ses données et ses produits, du détaillant jusqu’à la ferme en utilisant un code QR ou un numéro de lot. « Les marques peuvent exploiter les données et intégrer des technologies de blockchain pour se différencier et assurer la transparence et la traçabilité – ce qui augmentera également les profits, car l’étude montre que les acheteurs sont prêts à payer plus cher si le détaillant peut prouver la provenance des produits »,  estime Luq Niazi, directeur général mondial d’IBM Consumer Industries.

Système U apporte des réponses à cette crise de confiance

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Dominique Schelcher

Certaines grandes enseignes alimentaires prennent de l’avance dans ce domaine et gagnent des parts de marché. En France, c’est le cas de Système U. « Nous sommes sur le point de devenir le quatrième distributeur français en termes de parts de marché », a annoncé Dominique Schelcher, le Pdg de l’enseigne qui s’est déplacé à New York pour participer à une conférence organisée au Consulat de France par Catherine Barba, fondatrice de Peps Lab et Mike Hadjadj, fondateur de IloveRetail avec Business France. « Nous faisons face à quatre tendances de fond qui pèsent sur notre activité. La démographie s’essouffle. La restauration hors domicile augmente (plus 5,8% en 2018) en particulier pour les urbains avec de nouveaux concurrents comme Deliveroo ou Uber Eats. La consommation se fragmente avec 7,8 enseignes fréquentées en 2018 contre 7,1 dix ans plus tôt. Et enfin on assiste à une basculement du off-line vers le on-line ». Les grands formats de la distribution voient aussi leur trafic baisser avec une régression du nombre de passages en caisse, à moins 1,3% (de janvier à octobre 2019 pour les magasins de 9 000 à 11 000 m2 selon Nielsen). Les consommateurs français perdent confiance dans les produits alimentaires, veulent privilégier les petites producteurs (à 82%), les labels de qualité et les produits origine France (67%), avec ingrédients naturels, bio. 15% n’ont même plus confiance à personne hors petites producteurs.

NRF2020 @clesdudigitalDes technologies au service de la traçabilité et du commerce durable

Face à la montée en puissance de ces attentes, le distributeur a pris plusieurs engagements pour un commerce durable (sacs réutilisables, notation sociétale des produits avec l’association Ferme France, un collectif d’acteurs économiques qui réunit des enseignes, des marques mais aussi des prestataires technologiques comme Service Tag, ChystalChain, Shiptify). Il a aussi lancé l’application « Y’a quoi dedans » pour apporter plus de transparence aux consommateurs. « Avec celle-ci, nous n’avons plus que trois applis, dont l’une pour le paiement disponible sur Google Play et l’Apple Store, et l’une pour le drive. Les clients ne veulent pas être perturbés dans nos magasins par des écrans, même quand il s’agit de les aider à sélectionner un vin. Mais nous lançons des initiatives qui leur rendent des service comme avec le « pick up and collect ». A Lyon, des adhérents ont inventé un « Drive Truck » pour livrer des entreprises, des écoles. Les technologies sont là aussi pour aider les managers et le personnel.

A Tavaux dans le Jura, l’un des adhérents va bientôt déployer un pilote avec la solution Liveshop de la start-up Belive.ai. La jeune pousse présente sur le Pavillon France du Retail’s Big Show développe une plateforme cloud de « computer vision » qui détecte chaque produit présent dans les rayons et permet aux détaillants de les surveiller en temps réel, de vérifier leur conformité (en fonction du planogramme, selon les étiquettes, les prix…) et même de monitorer leur performance. La solution autonome et disponible en SaaS par abonnement pourrait ensuite être connectée à la plateforme Retail Xp360 de CGI qui devrait prochainement équiper Système U et dont Belive.ai est partenaire. L’outil va apporter plus de réactivité à l’enseigne, aider les responsables de magasin à mieux comprendre ce qui se passe dans les points de vente pour mieux répondre aux attentes des consommateurs. « Mais surtout nous voulons des collaborateurs engagés, sympas, formés », insiste Dominique Schelcher qui s’est réjouit de ne voir qu’un seul client « qui prend un café » dans l’un des huit magasins Amazon Go new-yorkais (dont la technologie certes bluffante par sa fluidité coûterait extrêmement cher) alors qu’il y a foule dans la chaîne de supermarchés Trader Joe’s. « New-York me donne la pêche », répète le dirigeant.

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Jennifer Gootman

Si le distributeur français a profité de cette scène internationale pour rappeler ses engagements en matière de stratégie durable, les retailers internationaux ont été nombreux à s’exprimer sur le sujet pendant toute la durée du salon. Ils ont montré qu’il y avait encore beaucoup à faire et que les innovations technologiques dans le domaine de la logistique, de la gestion des stocks, des prédictions à base d’intelligence artificielle, les outils de traçabilité, mais aussi dédiés au marketing client (tous très bien représentés cette année sur le salon), devraient les y aider. «C’est une évolution qui ne se fait pas du jour au lendemain. Notre travail est en constante évolution et les innovations peuvent commencer à petite échelle », a indiqué Jennifer Gootman, vice-présidente de l’innovation sociale chez West Elm, une enseigne de meubles écologiques créée en 2010. Idem pour l’enseigne de cosmétiques Lush.

« La chaîne d’approvisionnement éthique de l’entreprise exige beaucoup de travail avec de nombreux fournisseurs qui doivent partager nos valeurs »,

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Heather Deeth

a souligné Heather Deeth, responsable des achats éthiques pour l’Amérique du Nord et qui achète 400 matières premières différentes partout dans le monde.

Pour optimiser leurs achats et leurs chaînes d’approvisionnement, les enseignes n’hésitent plus à investir dans l’intelligence artificielle et les technologies prédictives. « Il faut s’assurer que le bon produit est au bon endroit au bon moment et qu’il est bien transporté dans l’entrepôt », a expliqué Arti Zeighami, head of advanced analytics et artificial intelligence chez H&M. « L’analyse des données nous permet de le faire ». L’enseigne a créé son département AI en 2018, qui compte aujourd’hui 270 personnes, et qui l’aide à prendre des décisions commerciales plus durables. Une planification précise de la demande évite le gaspillage, un problème inhérent à l’industrie de la mode. Même les fournisseurs de matériels hardware veulent désormais montrer leur engagement en matière de développement durable à l’instar de Diebold Nixdorf qui a présenté sa solution point de vente Beetle A1150 à faible consommation d’énergie et conçu avec plus de 90 % des matériaux pouvant être recyclés.

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