Timing et personnalisation : une solution contre les nouvelles dispositions d’IOS 15 ?

Temps de lecture : 6 minutes

@clesdudigitalLa Tribune de David Martin Gonçalves, COO et cofondateur de Notify. Diplômé de Sciences politiques, David démarre sa carrière en cabinet de conseil pour la Banque mondiale avant de se consacrer à la tech. Agacé d’être sollicité au mauvais moment par les marques, il cofonde Notify en 2017 avec comme principal objectif : changer le monde de la relation client en prenant en compte la notion de timing. Passionné par un monde animé par la «donnée», il réagit aux dispositions d’IOS15.

Annoncé en juin 2021, l’iOS15 d’Apple est disponible depuis le 20 septembre. Avec cette dernière version de l’OS la marque s’apprête à changer la donne pour le marketing sur son application mail native et se distingue particulièrement avec trois nouvelles fonctionnalités : le blocage des pixels de tracking, le masquage de l’adresse IP et celui de l’adresse email.

En matière de sécurité et de protection des données qu’apportent les mises à jour d’iOS15 ?

La principale nouveauté de cette mise à jour concerne l’application Mail native d’Apple pour les utilisateurs d’iPhone et d’iPad utilisant la dernière version de l’OS. Le système appelé protection de la confidentialité du courrier retire à l’expéditeur la possibilité d’utiliser des pixels invisibles permettant d’identifier les interactions que le ou la destinataire a eues avec son message. Concrètement, cette nouvelle fonctionnalité empêche de savoir quand une personne ouvre un email. Dorénavant, pour les personnes qui utilisent l’application Mail sur iPhone et iPad et ont activé cette option, les expéditeurs d’emails ne pourront plus savoir si ce sont elles qui ont ouvert un email ou si c’est un des serveurs d’Apple qui l’a fait pour elles.

Quels sont les changements les plus importants apportés du côté utilisateur et du côté marketing ?

Du côté utilisateur, c’est à première vue une fonction supplémentaire de gestion de la confidentialité. En faisant ce choix, un utilisateur ne permet qu’à Apple et à ses partenaires de connaître les informations particulières liées à son activité. Mais si on y regarde de plus près, le risque pour ces utilisateurs c’est qu’ils ne reçoivent plus le service pour lequel ils se sont inscrits. Pour toutes les marques, les communications par email reposent sur la réactivité des clients et sur une connaissance de leur comportement afin de savoir s’ils veulent être sollicités, quand et de quelle façon. Progressivement, le choix par défaut des marques consistera à exclure ces personnes qui tomberont dans la catégorie des inactifs car aucune d’entre elles n’osera risquer sa réputation et son taux de délivrabilité pour un groupe d’utilisateurs. Finalement, non seulement on retire à ces utilisateurs un service, mais on enlève aux marques un moyen d’améliorer ce service en fonction des usages et des préférences du client. Même si l’utilisateur aura toujours le choix s’il le souhaite d’utiliser une autre application de gestion de ses emails comme l’application Gmail ou Outlook.

Du côté marketing cela va complètement à contrecourant de la tendance générale voulue par les FAI et les ISP et c’est en opposition totale avec le concept même de délivrabilité qui repose sur le taux d’ouverture. Depuis longtemps, et plus encore avec l’entrée en vigueur du RGPD, de vraies bonnes pratiques se sont installées pour personnaliser la relation client dans le bon sens. Aujourd’hui pour le bien des utilisateurs, les marketeurs ont pris conscience que le marketing intempestif n’a plus sa place, ce qui se voit dans les taux d’ouverture, de clic, d’engagement et d’achats que nous observons tous les jours. Les marques prennent très au sérieux le niveau de réaction ou de réactivité des utilisateurs à leurs messages comme une mesure de la « bonne » gestion de leur relation client. Ces indicateurs permettent a priori de déterminer s’il faut considérer un utilisateur comme actif ou inactif par rapport aux communications de la marque, et donc de décider s’il est utile de lui envoyer d’autres messages ou non.

Désormais dépourvues de ce baromètre pour les utilisateurs de cette fonctionnalité d’Apple, elles ne pourront discerner les actifs des non-actifs, et sur une base de calcul d’environ 3 mois, elles les supprimeront de leurs envois. Au-delà de la difficulté potentielle que cela va engendrer pour la simple lecture de performance statistique d’une campagne, c’est avant tout la capacité des marques à comprendre et à interpréter le comportement des utilisateurs qui va être entravée.

En matière de chiffres, quel sera l’impact ? Y a-t-il une différence entre l’Europe et les États-Unis ?

L’impact – qui sera différent pour chaque typologie de groupes de clients – est en théorie assez simple à suivre et à corriger grâce à un redressement statistique. Il suffit d’identifier les utilisateurs iPhone ou iPad de la dernière version de l’OS utilisant l’app Mail puis de les exclure et de pondérer les statistiques des performances. Étant donné l’importante différence de parcs d’appareils utilisés entre les États-Unis et la France ou l’Europe, la différence d’impact devrait se situer dans les mêmes proportions. En France, nous comptons par exemple 30% d’utilisateurs iPhone et 70% d’utilisateurs Android alors qu’aux États-Unis il y a plus de 60% d’utilisateurs iPhone.

Est-ce une question de temps avant que les autres plateformes ne suivent le même exemple ?

Il est fondamental de se fixer comme priorité la protection des données personnelles et  la confidentialité des utilisateurs. Mais je pense qu’il est tout aussi fondamental que le cadre réglementaire soit défini exclusivement par le législateur et ne soit pas décidé unilatéralement par un seul facteur. Sinon, toutes les marges d’interprétation et de manœuvres sont soumises à l’approbation d’une seule société et de ses partenaires et cela devient un enjeu stratégique lié à la concurrence entre les très grandes entreprises du digital.

Ce qui est dérangeant pour moi c’est que cette démarche diabolise, à tort, les professionnels du marketing, en voulant offrir aux utilisateurs un service supposé les protéger. Or, je pense que la réalité est toute autre. Je le vois avec nos clients et nos partenaires. Sur l’année 2017-2018, tout le monde s’est posé les bonnes questions ; tout le monde s’est remis en cause. Le consentement des utilisateurs est une priorité absolue et la protection de leurs données telle qu’elle est régie par le RGPD est une règle sine qua non. Je ne vois aujourd’hui que des principes respectueux mis en place par des équipes qui cherchent à personnaliser et à adapter le plus possible leurs messages et leurs actions aux souhaits et aux préférences de leurs utilisateurs.

Nous le constatons systématiquement, la réaction des utilisateurs est nettement plus positive lorsqu’ils reçoivent les messages qu’ils attendent au bon moment avec un contenu personnalisé selon leurs souhaits. Les chiffres ne mentent pas, si quelqu’un qui était considéré comme inactif ouvre ses courriels, clique et se rend sur votre site parce que vous avez su adapter votre message à son timing, c’est bien là un indicateur saillant que la personnalisation est un élément constitutif d’une bonne relation entre une marque et son client. Cette relation est saine.

Comment les indicateurs de performance (taux d’ouverture/de réactivité) sur lesquels reposent les annonceurs pour leurs campagnes marketing vont-ils être affectés ?

Comme nous l’avons déjà évoqué, les marketeurs vont être obligés de discriminer les activités des utilisateurs identifiées sur cette application dans la nouvelle version de l’OS et de pondérer leurs performances par rapport aux autres activités. En ce qui concerne la lecture des taux de performance, cela semble moins problématique.

C’est essentiellement au niveau de la personnalisation et de la segmentation liées à l’activité dans un contexte de délivrabilité au sens large que cela risque de compliquer les choses. Car pour être clair, il s’agit bien pour les marketeurs de supprimer de leurs bases des clients et prospects actifs et engagés et donc d’arrêter de leur parler tout simplement, dans des proportions qui semblent importantes.

Face à toute contrainte il existe une opportunité. Ainsi, devant ces nouveaux enjeux, quelles sont les alternatives pour les marketeurs ?

Nous nous sommes amusés à évaluer cet impact pour un de nos clients sur les 30 derniers jours. Voici ce que nous avons trouvé : 157 911 personnes sur 1 125 831 étaient identifiées comme ouvrant leurs emails sur l’application Mail iPhone/iPad, soit 14.03% de la base active à catégoriser comme inactive. La bonne nouvelle c’est que sur cette population, 146 733 personnes avaient été actives ailleurs au sein de notre réseau et qu’elles pouvaient être maintenues dans la catégorie active, la perte réelle est descendue à 11 178 personnes (celles non actives ailleurs) soit moins de 1%.

Ceci démontre à quel point il est devenu absolument nécessaire, voire vital, pour les marques d’acquérir légitimement des informations fiables sur le comportement de leurs clients, afin d’améliorer leur connaissance client et de personnaliser leurs messages. Pour cela elles peuvent se tourner vers les acteurs de la data et de l’onboarding, elles peuvent aussi réfléchir à des stratégies « d’espaces logués », à l’instar de ce que font les grands sites de médias. Ces stratégies data vont devenir un enjeu majeur pour les marques. Et c’est, je pense, ce qui va faire la différence, cette capacité à bâtir par la data complémentaire la connaissance client, telle que le client souhaite être connu.

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