Camaïeu, Jennyfer, Kookaï, Naf Naf : chronique d’un effondrement SEO

enseignes françaises de prêt-à-porter @clesdudigitalLa chute d’enseignes françaises de prêt-à-porter ne se lit pas seulement dans les bilans judiciaires et les rideaux de fer baissés. Elle se mesure aussi dans les courbes de visibilité SEO. Jennyfer, Naf Naf, Kookaï et Camaïeu ne sont plus simplement absentes des centres-villes : elles se sont également effacées des résultats de recherche en ligne, laissant derrière elles des milliers de mots-clés orphelins et une hécatombe digitale.

Un étude de Sistrix, plateforme allemande SaaS spécialisée dans l’analyse SEO et la visibilité en ligne, dévoile comment des marques de mode française ont raté le «virage» digital et sont devenues invisibles sur le web. Premier exemple notable : Jennyfer est le cas d’école d’une marque passée en quelques années du sommet des SERP (page de résultats d’un moteur de recherche) à l’oubli complet. En 2017, jennyfer.com dominait les résultats de Google sur des requêtes transactionnelles clés comme « pantalon blanc », avec deux URL placées dans les cinq premières places. Mais entre 2019 et 2025, l’indice de visibilité Sistrix de la marque a chuté de 3 points à 0. Cette chute numérique accompagne la liquidation judiciaire prononcée le 30 avril 2025. Sur le terrain économique, l’enseigne fermait ses portes après plus de trente ans d’existence. En ligne, le constat est identique : le domaine n’apparaît plus, les pages ont disparu des pages de résultats, et Google a redistribué l’ensemble des positions. Aujourd’hui, les requêtes autrefois captées par Jennyfer profitent à H&M, Zara ou Maison 123.

Fausse remontée pour Naf Naf, inaction et oubli pour Kookaï

Le parcours de Naf Naf illustre une trajectoire beaucoup plus sinueuse. En 2022, son indice Sistrix est remonté de manière significative, frôlant les 6 points de visibilité, signe d’un effort pour reconquérir les pages de résultats. Mais cet élan n’a pas résisté au temps. Dès début 2024, la marque perd plus de 60 % de sa visibilité en moins d’un an. En mai 2025, son placement en redressement judiciaire confirme l’effondrement, sur le plan économique comme sur le plan SEO. Un exemple frappant est la requête «pantalons femme» : Naf Naf occupait encore la sixième position en 2022. En 2025, la marque a disparu du top 20, remplacée par Kiabi, La Redoute et Temu. L’absence de continuité éditoriale et technique semble expliquer cette volatilité. Contrairement à Jennyfer et Naf Naf, la visibilité de Kookaï n’a pour sa part pas vraiment chuté… Elle n’a jamais décollé. Son indice de visibilité SEO n’a jamais dépassé un point sur Google.fr entre 2016 et 2023. En clair, cela fait apparaître que la marque n’a pas investi dans le référencement naturel. «Un site e-commerce sans vision SEO, c’est une boutique sans vitrine», résume Nicolas Audemar, auteur de l’étude. La liquidation de la marque en 2023 n’a donc fait qu’entériner une disparition déjà actée sur le web.

Camaïeu, la tragédie des redirections ratées

Quant à Camaïeu, il s’agit sans doute du cas le plus spectaculaire. En 2019, son domaine atteignait 13 points d’indice de visibilité Sistrix, dominant largement ses concurrentes françaises. Mais après sa liquidation en septembre 2022 et son rachat par Celio en décembre de la même année, tout s’est effondré. En l’espace de quelques semaines, camaieu.fr est passé de 14 points à 0. La raison, selon les experts ? Des redirections génériques vers la page d’accueil de Celio.com, sans correspondance entre les anciennes catégories de produits et leur équivalent chez Celio. Pendant près de deux ans, aucune page d’atterrissage dédiée n’a été créée, souligne l’étude. Ce n’est qu’en 2025 qu’une page «BeCamaieu» a vu le jour, mais trop tard pour inverser la tendance. Conséquence : Celio n’a pas capté le trafic naturel lié aux requêtes «Camaïeu vêtement femme». Sur ces termes, Google affiche désormais des concurrents comme Shein, Zara et La Redoute, mais plus aucun résultat lié au repreneur.

enseignes françaises de prêt-à-porter @clesdudigitalQuand Google efface, il redistribue

Les données de Sistrix indiquent que l’espace laissé vacant par ces marques historiques ne reste jamais inoccupé. Sur «pantalons femme», camaieu.fr était top un en 2019. En 2025, la requête est dominée par La Redoute et Kiabi, tandis que Temu s’installe progressivement dans le top 10. Même Zalando, autrefois solide en deuxième position, a quitté le top 20 en 2025. Google privilégie désormais les sites capables de proposer des pages fraîches, rapides et adaptées au mobile. « La SERP récompense la pertinence UX et la spécialisation, pas l’ancienneté », rappelle l’étude.

La disparition de Camaïeu, Jennyfer, Kookaï et Naf Naf n’a pas laissé un vide très longtemps. Dans Google, la place a été immédiatement occupée. Les courbes Sistrix montrent qu’à mesure que les enseignes françaises déclinaient, des acteurs internationaux et «digital-native» imposaient leur rythme. Shein, Temu et Uniqlo se sont glissés dans la brèche, pendant que des survivants français comme Vertbaudet et Etam consolidaient leur visibilité.

Shein, la machine SEO en continu et Temu, l’outsider qui s’installe

Shein est sans doute le grand gagnant de cette redistribution. Son domaine a vu son indice de visibilité exploser depuis 2020, atteignant des niveaux inédits en 2024 et 2025. Alors que Jennyfer et Camaïeu s’effaçaient, Shein a indexé des milliers de pages produits nouvelles chaque semaine. L’étude rappelle que Shein alimente Google à une cadence industrielle : jusqu’à 50 nouvelles fiches produits par jour. Résultat, sur des requêtes concurrentielles comme « pantalons femme » ou « robe été pas chère », Shein occupe désormais plusieurs positions en première page. Cette abondance de contenu, couplée à une stratégie mobile-first, explique une ascension fulgurante que les marques françaises n’ont jamais su égaler.

Arrivé plus tard sur le marché européen, Temu se distingue par une stratégie agressive et centrée sur l’acquisition digitale. Sur les courbes Sistrix, son domaine apparaît dès 2023 et grimpe rapidement, captant des mots-clés abandonnés par les enseignes françaises. En 2025, Temu est présent dans le top 10 pour des requêtes génériques comme «pantalon blanc» ou «manteau femme pas cher», là où Kookaï et Naf Naf avaient autrefois une place. Cette progression illustre un principe de réalité du SEO : ce qui s’évapore est immédiatement récupéré par ceux qui publient vite et massivement.

Des marques internationales consolident leur positions, des marques françaises résistent

Contrairement aux marques françaises, certains groupes internationaux ont su maintenir une présence stable, voire croissante. Uniqlo affiche une courbe régulière, alimentée par une stratégie SEO et une UX mobile bien travaillée. Zara conserve une bonne partie de sa visibilité, même si l’étude souligne une légère érosion depuis 2022, liée à la concurrence de Shein et Temu. Mais la différence est nette : là où Camaïeu est passé de 14 points à 0, Uniqlo dépasse aujourd’hui les 10 points d’indice de visibilité, consolidant une position durable dans l’écosystème Google.

Au milieu de ce grand chambardement, une marque française fait figure d’exception : Vertbaudet. L’enseigne fondée à Tourcoing en 1963, héritière du catalogue papier, a su transformer cet ADN en atout digital. Son indice de visibilité a progressé régulièrement au cours des cinq dernières années, la plaçant aujourd’hui parmi les acteurs français les plus visibles. Le secret ? Une spécialisation claire sur l’univers des parents et des enfants, une logistique e-commerce bien huilée, et surtout une stratégie de contenu cohérente. Vertbaudet a misé sur un contenu éditorial riche, avec des pages catégories optimisées, des FAQ et une approche rassurante, en phase avec les besoins de sa clientèle. Résultat : là où Naf Naf ou Jennyfer ont disparu, Vertbaudet se hisse régulièrement dans le top 10 pour des requêtes à forte intention d’achat comme «vêtements bébé» ou «pyjama enfant».

Parmi les enseignes françaises encore présentes, Etam et Kiabi apparaissent comme des résistants. Kiabi, longtemps troisième sur des requêtes comme «pantalon blanc», recule en 2025 à la huitième place, preuve qu’aucune position n’est jamais acquise. Mais la marque reste visible grâce à une stratégie SEO soutenue et un catalogue toujours mis à jour. Etam, de son côté, mise sur un contenu éditorial et une stratégie phygitale qui combine boutique et digital. Son domaine conserve un indice de visibilité proche de six points, signe que le SEO reste entretenu, même face à des géants comme Shein.

enseignes françaises de prêt-à-porter @clesdudigitalLes erreurs techniques se paient cher

La faillite en chaîne de Camaïeu, Jennyfer, Kookaï et Naf Naf illustre le fait que le référencement naturel est un capital aussi fragile que la trésorerie d’une entreprise. Ce capital n’est ni transmissible par défaut, ni pérenne. En l’espace de quelques mois, des domaines autrefois solides — camaieu.fr culminait encore à 14 points d’indice Sistrix en 2022 — ont été réduits à néant, effacés des SERP comme des devantures commerciales. L’histoire montre aussi que les erreurs techniques se paient cher. Des redirections mal pensées, des landing pages créées trop tard, l’absence de stratégie éditoriale… autant de failles qui ont transformé des rachats prometteurs en tragédies digitales. Celio, en absorbant Camaïeu, n’a pas su transférer son immense patrimoine SEO ; Beaumanoir, en reprenant une partie de Naf Naf et Jennyfer, n’a pas encore converti ces acquisitions en visibilité numérique.

En face, Shein et Temu ont démontré qu’un SEO offensif, soutenu par une cadence de publication quasi industrielle, pouvait conquérir en quelques mois l’espace laissé vacant. Les données évoquées sont claires : sur des requêtes jadis dominées par les enseignes françaises, ces nouveaux entrants trustent désormais les premières places. Ce que Google efface, il le redistribue. Et il le donne aux plus rapides, pas aux plus anciens.

Pourtant, tout n’est pas perdu. Vertbaudet prouve qu’une stratégie SEO cohérente, alignée avec un positionnement clair et un contenu riche, peut offrir une visibilité durable. Etam ou Kiabi montrent qu’une veille continue, combinée à une mise à jour régulière des pages, permet de résister à la vague des pure players mondiaux.

Leçon ultime : en SEO comme en retail, ignorer les signaux faibles revient à programmer sa disparition. Des marques françaises citées ont raté le virage du digital et du référencement naturel. Leur double effacement — économique et numérique — restera un cas d’école. Mais pour les acteurs qui survivent, ou pour ceux qui naissent, il trace aussi une voie : penser le SEO dès le premier jour, l’entretenir chaque semaine, et agir vite face aux évolutions du marché. Dans le monde impitoyable de Google, il n’y a pas de place pour la nostalgie. Seulement pour ceux qui savent occuper l’espace.

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