Digital natives et big tech ouvrent la voie du « commerce ambiant »

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e-commerce commerce ambiant @clesdudigitalL’âge d’or du e-commerce connait son apogée, voici venue l’ère du « commerce ambiant »  selon l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance qui vient de publier son rapport « Commerce reloaded 2020 ».

Fondé sur un principe de conversation continue entre digital natives, géants du Web américains et asiatiques (GAFAM et BHATX) qui en sont les promoteurs, ce « commerce ambiant » se développe à coup de captations massives de données et d’intelligence artificielle. « Ce nouveau format, qui s’apprête à prendre le relais du e-commerce, se caractérise par plusieurs tendances et une nouvelle génération de parties prenantes. Il devrait être à l’œuvre pour les dix prochaines années au moins », estime Cécile Gauffriau, directrice de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance.

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Cécile Gauffriau

Génération IA

Le centre dédié à l‘innovation a dressé la liste des protagonistes qui poussent dans cette direction. A commencer par la génération IA, réunissant la génération Z, qui succède aux Millennials, et la génération Alpha (soit 650 millions d’enfants nés depuis 2010 et qui seront deux milliards d’ici 2025 selon l’Institut McCrindle). « La durée d’attention moyenne des GenZ est de huit secondes contre douze pour les Millennials. 71% d’entre eux utilisent Snapchat six fois par jour et y passent en moyenne trente minutes quotidiennement. 47% ont eu un téléphone avant douze ans et 55% passent cinq heures par jour sur leur mobile », énumère Nicolas Diacono, digital trends analyst chez BNP Paribas Personal Finance qui note également que 41% des 690 millions d’utilisateurs actifs de Tik Tok (qui devrait pouvoir rester actif aux États-Unis avec l’entrée à son capital d’Oracle et Walmart) ont entre 16 et 24 ans. Devenus adultes, ces enfant nés avec l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, les réseaux sociaux confieront-ils l’éducation de leur progéniture aux algorithmes ? « Déjà plus de 80% des parents en Chine et en Inde seraient prêts à le faire pour diagnostiquer et soigner leur enfant », souligne Nicolas Diacono. « Leurs repères digitaux seront la 5G, les assistants vocaux, Amazon Go et la réalité mixte. » Cette génération sera aussi celle des « deep fakes ». Elle s’appuiera sur des « assistants de vie » à l’image de Neon, un avatar créé sur ordinateur «ayant la capacité de montrer des émotions et de l’intelligence », selon son inventeur Samsung.

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Nicolas Diacono

Vivre des expériences et se divertir en magasin

Les attentes de cette nouvelle génération, la plus informée et la plus connectée de l’histoire de l’humanité, risquent de s’avérer sans commune mesure avec les précédentes. La frontière entre réel et virtuel deviendra de plus en plus floue. Dans son rapport, l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance note également que 97% des consommateurs émanant de la génération Z disent vouloir continuer à se rendre dans des magasins physiques, non pas pour acheter, mais pour y vivre des expériences, se divertir, et socialiser avec leurs pairs. L’essor des technologies devrait aider à les satisfaire. « De la voix au streaming, l’essor de nouveaux canaux de vente sera essentiel en vue de l’implémentation d’un commerce ambiant sans friction ».

Le « new retail » est déjà sur les rails comme le montrent plusieurs exemples, et il s’est accéléré avec la crise sanitaire. Après le lancement il y an un an de l’application « Place » d’Ikea pour visionner simultanément plusieurs produits de l’enseigne dans une pièce, Amazon a ainsi dévoilé l’été dernier « Room Decorator », une même fonctionnalité mais à l’échelle et beaucoup plus précise. A l’heure de la pandémie, le géant vend aussi sa technologie du magasin sans caisse à d’autres enseignes tandis que la start-up française Storelift lève des fonds pour déployer son concept de magasin autonome de proximité. « Dans ce contexte, on peut d’ores et déjà affirmer que les magasins de proximité, les circuits courts d’approvisionnement, l’automatisation des points de ventes, les technologies sans contact, le drive, les files d’attente optimisées, l’offre de services ou encore le « shop streaming » sortent grands gagnants de la crise du Covid-19. Telles étaient déjà les conclusions des récents travaux de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance et l’Observatoire Cetelem qui ont mis en exergue l’importance du commerce local, à même de répondre aux enjeux économiques et écologiques des dix prochaines années », soulignent les auteurs du rapport. Le secteur de la livraison fait quant à lui naitre de nouvelles opportunités à l’instar du nouveau service « Pändelbuss », une navette pour retirer les commandes en ligne lancée par Ikea à Anvers, la livraison de burgers aux automobilistes coincés dans les embouteillages testé par Burger King ou encore l’utilisation des drones déjà autorisée en Virginie aux États-Unis pour Wing, filiale du groupe Alphabet (Google).

e-commerce commerce ambiant @clesdudigitalRepenser les modèles, de l’approvisionnement à l’expérience client

L’humain fait aussi son retour grâce au digital comme le montre l’essor du « shop streaming ». Mis en place par Alibaba lors de son « Single day sales » en 2019, il a engendré une croissance de 400% des ventes d’électroménager et de mobilier. Au niveau de la plate-formisation du commerce, après 10 ans de rivalité entre magasins physiques et sites internet, de nouveaux acteurs apparaissent pour changer la donne et faire du magasin un lieu de jeu, autonome, perçu comme une marketplace ou un réseau social, tel que le démontrent les concepts Showfields ou encore B8ta à New-York. « Il faut repenser le shopping comme une activité ludique» comme le fait la chaine américaine de jouets Camp qui propose son « Family experience store », ou comme un acte politique à l’instar de l’enseigne de sportswear Kith qui a fermé ses flagships pour les transformer en centres d’inscription des électeurs. « Les acteurs du commerce se doivent d’anticiper sur les prochaines années et repenser leur modèle, de l’approvisionnement à l’expérience client », prévient Nicolas Diacono. « La crise du Covid a bouleversé les habitudes, les consommateurs exigent plus que jamais du local et de la proximité. Les enseignes qui ne s’adapteront pas risquent tout bonnement de disparaitre ».

La construction des villes du futur n’appartient pas qu’aux pouvoirs publics

Dans son rapport, l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance dresse aussi le portrait des villes et des transports de plus en plus connectés avec les nouveaux styles de vie, et amenés à réinventer la mobilité et les usages. « Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans des villes, contre un peu moins d’un tiers en 1950 et probablement plus de deux tiers (68%) en 2050 selon l’ONU. Cette urbanisation exponentielle invite à redéfinir la gestion des flux. Il s’agira d’adopter une approche holistique, qui tienne compte de la mobilité, du tissu social, de l’économie, de l’environnement ainsi que de la santé, propres à chaque ville. L’ère du « commerce ambiant » sera marquée par une technologie déployée de manière intelligente pour répondre aux besoins stratégiques des villes ».

Les « smart cities » sont en train d’émerger. Toyota et le géant chinois Tencent viennent par exemple — chacun de leur côté — de lancer la construction d’une ville du futur intelligente et durable, « signe que la construction des villes du futur n’est pas exclusivement l’apanage des pouvoirs publics ». En parallèle, une multitude d’acteurs historiques ou nouveaux se lancent sur la route de la mobilité pour améliorer le fonctionnement de ces villes de demain. « Tesla, ou plutôt le « Teslisme », incarne une révolution automobile au cœur de laquelle le logiciel et la transition énergétique auront plus d’importance que la carrosserie et le moteur. Si les constructeurs historiques sont les premiers dépositaires de brevets sur la voiture autonome, les nouveaux acteurs tech présentent de l’appétence pour ce modèle. Amazon a de son côté racheté la jeune pousse Zoox, spécialisée dans la conduite autonome, début juillet 2020, tandis qu’Hyundai investit dans le déplacement aérien en partenariat avec Uber Elevate pour le déploiement de taxis volants autonomes ».

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Guillaume Rio

Les acteurs de la « big tech » et les startups s’imposent dans l’e-santé

Alors que la santé, sa démocratisation, ainsi que l’espérance et la qualité de vie deviennent des préoccupations majeures, de nouveaux acteurs du « Care » apparaissent. « À l’horizon 2023, le marché mondial de la e-santé devrait représenter 235 milliards de dollars, notamment grâce à la démocratisation de l’IoT. L’IoT médical pourrait d’ailleurs atteindre une valeur nette de 136,8 milliards de dollars d’ici l’année prochaine selon Allied Market Research, soit 40% de l’ensemble du marché. Des acteurs de la big tech aussi bien que de nombreuses startups tendent à s’imposer dans ce secteur, où nombre d’entre eux ont participé à la lutte contre le Covid-19 », observe Guillaume Rio, responsable tendances technologiques pour l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance.

En réponse aux avancées d’Amazon Care, Apple propose désormais à ses employés dépistages et analyses ADN au sein de ses cliniques « AC Welness ». «L’objectif est à terme de fournir conseils et traitements personnalisés au grand public grâce aux données collectées par les objets connectés. La téléconsultation est amenée à continuer sa percée, mais sera prochainement accompagnée par la reconnaissance d’image ou « TOI », pour « Transdermal Optical Imaging », une technologie capable, via les smartphones, d’établir un véritable bilan de santé, promettant ainsi d’importantes avancées pour la télémédecine. Il n’en demeure pas moins que la véritable révolution à venir dans ce domaine sera l’immixtion des tests génétiques dans le quotidien du consommateur : des sociétés telles que la start-up britannique DNA Nudge sont d’ores et déjà en ordre de marche pour devenir notre « digital guide life », grâce à nos donnés génétiques ».

Selon Guillaume Rio, dans l’univers du  « commerce ambiant », la connexion intègrera les données santé des individus. «Captées par différents sources, elle se coordonneront pour nous faciliter la vie. Sous couvert de servir le bien commun, cette intelligence de la santé sera en grande partie gérée par les géants du numérique, qui empiètent de ce fait sur les compétences des gouvernements et espèrent devenir de véritables tiers de confiance pour les consommateurs».

De nouveaux écosystèmes

« Les plateformes de vie prônées par les « Big Tech », selon leur appellation récente, dépassent nos espérances — ou nos craintes. Elles interpellent, car elles s’immiscent dans notre intimité, et impactent l’équilibre de l’ensemble des organisations. Leur incursion dans le commerce, l’automobile, la « smart home » ou la santé est de plus en plus fine. Elles imposent au commerce de se réinventer pour passer d’un monde transactionnel à un monde expérientiel. La maîtrise de la connaissance de la vie du client deviendra ainsi centrale à l’ère du « commerce ambiant » », notent les auteurs du rapport. De grands acteurs tels que Walmart (avec son service de livraison illimitée, l’automatisation de ses entrepôts développé avec Alphabot company, ses véhicules autonomes de livraison lancés avec Nuropour à Houston, son offre dans la santé…), Rakuten ou encore Suning (1600 magasins en Chine), étoffent déjà leur offre en investissant la santé ou le foyer des consommateurs. En France, Orange ou La Poste élargissent leur influence au-delà de leurs métiers d’origine, avec la finance, ou à nouveau la santé, tout en développant des connectivités plus étroites avec le retail et les villes.

Enfin la prochaine vague technologique à même de secouer notre environnement sera guidée cette fois par la conquête spatiale selon l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance. «Comment l’innovation extraterrestre pourra-t-elle transformer nos vies sur Terre ? L’Espace présente un nombre infini de possibilités. Sans parler de colonisation ni de tourisme spatial, l’enjeu majeur sera la transformation de nos systèmes ».

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