La crise n’a pas fini de bouleverser les modèles du commerce

Temps de lecture : 6 minutes

La digitalisation du commerce @clesdudigitalLa digitalisation du commerce et l’omnicanalité ne sont plus des options facultatives pour les retailers qui doivent encore et toujours se réinventer plus vite.

En 2013, Catherine Barba, entrepreneuse et pionnière du e-commerce publiait son ouvrage sous le titre «Le magasin n’est pas mort» tout en expliquant comment il devait se réinventer. Aujourd’hui, après trois confinements et plus d’un an de crise sanitaire, il vit toujours mais il a pris un sérieux coup de bâton. Si le format physique est loin d’être abandonné, les chaines rationalisent leurs réseaux et développent aussi de nouvelles stratégies pour faire revenir leur clientèle qui a pris plaisir à acheter en ligne. Selon une étude mondiale menée par Havas Commerce pour Paris Retail Week auprès de 200 professionnels de 22 pays (Europe, USA, Asie) du 12 mai au 14 juin 2021, 62 % des personnes interrogées ont constaté que les clients venaient moins souvent en magasin et 35 % considèrent cette baisse de fréquentation du commerce physique comme l’un des impacts directs de la crise sanitaire sur le commerce.

«On constate une inversion des valeurs du magasin vers le e-commerce. Le e-commerce, qui progressait déjà sous l’influence du mobile, a reçu un coup de boost supplémentaire pendant la pandémie. Les mesures de confinement, les couvre-feux et la peur d’être contaminé en magasin ont eu raison des visites en magasin», détaillent les auteurs. Ce constat qui n’est pas nouveau, exprime sans doute un certain pessimisme de la part des professionnels eux-mêmes. Car selon une autre étude mondiale réalisée par Censuswide pour Mood Media qui a interrogé 8 000 consommateurs sur quatre marchés majeurs (États-Unis, Royaume-Uni, Chine et France), les consommateurs commencent à retourner dans les magasins en nombre important à mesure que les contraintes dues à la crise sanitaire se lèvent. Quatre consommateurs sur cinq (80%) se sentent désormais à l’aise à l’idée de retourner dans les magasins physiques contre 71% en 2020 et trois consommateurs sur cinq (60%) s’attendent à ce que leurs habitudes d’achat reviennent à la normale d’ici la fin de l’année.

Les Français sont d’ailleurs les moins inquiets à l’idée d’attraper le virus en magasin (30%), contre 50% des sondés chinois. «Révélant ce qui a le plus manqué aux consommateurs lors de la fermeture des magasins pendant le confinement, l’étude montre que près de la moitié (45%) des clients ont déclaré qu’il s’agissait de l’expérience de «toucher et d’essayer» des articles sur place. Autre enseignement d’importance, l’aspect social du shopping entre amis et proches est la deuxième expérience de shopping physique qui a le plus manqué aux consommateurs (35%), avec la possibilité de ramener l’achat à la maison immédiatement (35%). La France est le seul marché à classer la capacité de découvrir de nouvelles choses comme la deuxième raison la plus importante pour choisir les achats en magasin, avec 47% des consommateurs à qui cet aspect du shopping a manqué».

La crise a néanmoins accéléré le développement du canal e-commerce et des services qui y sont associés. Selon l’étude de Mood Media, «les consommateurs ont apprécié la fusion du physique et du numérique, un tiers (33%) d’entre eux citant l’envie de continuer à utiliser les services click and collect au-delà de la pandémie, avec des consommateurs américains au-dessus de la moyenne mondiale à 38%». En raison des nouvelles habitudes post-pandémiques, 25% des consommateurs s’accordent à dire qu’ils préféreraient continuer à faire leurs courses en ligne pour des produits d’épicerie (surtout aux États-Unis et au Royaume-Uni), suivis de la technologie et de l’électronique (23 %) et des vêtements (22%, surtout en Chine et en France). Les Français préfèrent encore faire leurs courses alimentaires dans des magasins. Moins d’un sur cinq (19%) choisit de faire ses courses en ligne, contre 26% en moyenne dans les autres pays. D’ailleurs, moins d’un Français sur vingt achètera en ligne des produits discount (4%) contre 16% ailleurs dans le monde.

La digitalisation du commerce @clesdudigitalLes grands leaders imposent leurs standards

La crise sanitaire a aussi profité aux pure-players qui ont encore renforcé leur puissance. Deux catégories de concurrents sont ainsi perçues comme menaçantes pour la plupart des commerçants mondiaux interrogés par Havas Commerce : les pure players comme Amazon, Alibaba, Facebook et Google, et les enseignes qui ont un positionnement mondial fondé sur le discount tels qu’Aldi, Lidl, Walmart. «Ces grands leaders imposent leurs standards de livraison, de prix et d’utilisation de la data et forcent les retailers à revoir leurs modèles». Les consommateurs sont en attente de plus de praticité et d’instantanéité lorsqu’ils commandent des articles sur internet.

Cette hausse de l’exigence se reflète dans les enjeux dégagés par les professionnels pour le futur du commerce. Les consommateurs veulent pouvoir acheter partout, tout le temps, sur tout support et sans contrainte. Le «social commerce» comme «le live streaming» font partie des canaux de commercialisation qui vont progresser pour respectivement 81 % et 75 % de répondants professionnels interrogés par Havas Commerce, tout comme les demandes de retours gratuits, de compression des délais, de modalités de retours en boutique, en point relais… 38% des professionnels déclarent avoir mis en place un système plus souple de retour des articles pendant la pandémie, et 29 % de ceux qui avaient déjà initié un système souple de retour de commandes déclarent l’avoir renforcé.

La mise en place d’un système de livraison efficient avec des options de click & collect, de drive etc, arrive en tête des tendances ou modèles qui vont redéfinir le futur de l’entreprise, pour 47 %. La gestion de la logistique et la maitrise des délais et des options de livraison se sont hissées au cœur des enjeux. 40 % des commerçants se sont mis en quête des bons partenaires pour renforcer leurs capacités logistiques. 40 % cherchent à développer des solutions alternatives pour la livraison. «Nous sommes entrés dans une période faste pour les logisticiens et les livreurs. Le changement de paradigme que nous sommes en train de vivre va bouleverser l’organisation structurelle du commerce». Récemment un article dans Les Échos titrait aussi sur l’essor du « quick commerce » avec ces startups de livraison de courses en moins de quinze minutes comme Gorillas, Flink, Cajoo, Dija, Kol ou, depuis peu, la turque Getir et l’explosion des «dark stores» où sont préparés les commandes. Autant de nouveaux entrants qui peuvent s’adresser directement aux fournisseurs et qui menacent les distributeurs traditionnels comme Carrefour City, Monoprix ou encore Franprix.

Une digitalisation accélérée et explosion du paiement sans contact

Si  l’Asie était déjà très avancée en matière de paiement, 79 % des professionnels déclarent que les clients les utilisent davantage et 52%  ont renforcé leurs investissements dans ce domaine pour fluidifier les achats en magasin. Plus de la moité des retailers (54%) ont également massivement investi dans la digitalisation des points de vente pour réduire au maximum les points de contact avec des surfaces
infectées et faciliter les courses en magasins. «Le basculement mondial que nous sommes en train de vivre du magasin au digital pose désormais la question du rôle du magasin dans ce parcours d’achat». Pour 32 % des interrogés l’UX (User Experience) doit être travaillée pour que l’entreprise réponde aux enjeux du commerce dans le futur et 66 % considèrent que l’expérience en magasin devra être réinventée pour satisfaire le consommateur.  Enfin, la connaissance client, la data et le CRM sont des technologies prioritaires à déployer pour la moité des retailers interrogés, suivi par les technos sans caisse (28 %).

La digitalisation du commerce @clesdudigital
Arnaud Gallet

«Le commerce va se faire plus agile, plus simple, plus serviable, plus expérientiel et plus rapide pour contenter un consommateur plus exigeant. La livraison, et avec elle l’exigence de services à tous les niveaux du parcours d’achat, vont structurellement modifier le métier de commerçant dans les prochaines années. La course à la rapidité de livraison déjà lancée, par Amazon aux USA et déjà fortement concurrentielle en Asie et en Chine notamment, va se propager sur tous les continents. Nous sommes passés en quelques années du triptyque « Prix – Choix – Service » au triptyque « Vaste choix – Ultra Rapidité – Prix bas »».

Toutes ces tendances seront détaillées et débattues lors de la plénière d’ouverture de Paris Retail Week 2021 qui aura lieu le 28 septembre 2021 avec Vincent Mayet, directeur général Havas Commerce. L’événement dédié à huit problématiques business (commerce omnicanal, innovation marketing, data, logistique, marketplace, marketing BtoB, nouveaux paiements, parcours client agile) se tiendra cette année sans Equipmag (agencement du magasin, marketing point de vente…) dont l’édition a été reportée en septembre 2022. «Prenant en considération le contexte marché difficile et l’incertitude encore ambiante, nous avons décidé de reporter l’édition 2021. Ce report doit nous permettre de nous retrouver en septembre 2022 dans les meilleures conditions pour asseoir le renouveau d’Equipmag tel que nous l’avions imaginé avec vous», explique Arnaud Gallet, directeur des salons Paris Retail Week et Equipmag.

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