Le numérique reste un mauvais élève sur le sujet de la décarbonation

Temps de lecture : 4 minutes

numérique CO2 déchets @clesdudigitalLe secteur du numérique génère de plus en plus de CO2, de déchets, et consomme toujours plus de ressources en eau. Réduire son impact environnemental réclame un engagement collectif de l’ensemble de la chaine.

 

Savez vous quel est l’impact environnemental de votre informatique ? Combien coûte votre IA Gen toute neuve en énergie, en eau, en production de e-déchets ? Car les chiffres de consommation explosent. Le numérique générait près de 30 millions de tonnes de CO2 en France en 2022, soit 4,4% de le l’émission nationale. D’ici 2050 cette empreinte devrait tripler. Et au niveau mondial, la consommation électrique de l’IA et des datacenters sans oublier les cryptomonnaies, devrait atteindre 1000 TWh en 2026 selon l’Agence internationale de l’énergie : le double de ce qu’elle représentait en 2022, juste avant le lancement de ChatGPT ! C’est aussi deux fois la consommation électrique de la France.

C’est le grand paradoxe de la révolution numérique : quand tous les secteurs cherchent à réduire leur empreinte environnemental, celui-ci au contraire laisse augmenter son impact de manière quasi incontrôlée. C’est le constat d’une étude intitulée « Tendances à 2030 pour un numérique respectueux de l’environnement » réalisée par Advaes, un cabinet de conseil stratégique opérationnel sur les sujets RSE de l’IT et du numérique.

Les prestataires du numérique commencent à adopter des stratégies responsables pour intégrer les critères environnementaux. Et ce n’est pas toujours gagné, constatent les auteurs. Notamment parce que les éditeurs de logiciels, les fournisseurs de cloud et les ESN opèrent des données environnementales peu précises et incomplètes, voire affichent «des résultats irréalistes comme des émissions nulles sur les scopes 1 et 2 du bilan carbone». La mode du greenwashing n’a pas encore dit son dernier mot.

Approvisionnement fiable en énergies bas carbone

Pour y voir plus clair, les auteurs identifient plusieurs axes de réflexion opérationnelle. La résilience énergétique couplée à la décarbonation, est un sujet pour tous les opérateurs des datacenters et des services cloud. Ils cherchent à garantir un approvisionnement fiable en énergies renouvelables ou bas carbone. Ce qui demande des investissements continus dans les infrastructures locales. L’hydraulique et le solaire sont en première ligne, rejoints aussi par le biogaz et l’hydrogène. Cependant l’éolien n’est pas mentionné parmi les sources, peut-être à cause d’une efficacité trop dépendante des conditions climatiques. L’étude ne parle pas non plus de la géothermie, sujet à contestation. Le nucléaire en revanche fait partie du spectre des énergies stables et bas carbone, avec un intérêt particulier pour des petits réacteurs modulaires, une solution adaptée pour accompagner les implantations des datacenters.

En parallèle, la récupération de la chaleur issue des data centers fait aussi l’objet des études visant à recycler cette énergie dans des réseaux de chauffage urbain. Une initiative forcément réservée aux pays du Nord.

Surconsommation d’eau avec l’explosion de l’IA

La surconsommation d’eau par le secteur du numérique est une autre facette néfaste du développement. Surtout avec l’explosion de l’IA qui nécessite beaucoup de ressources en eau pour le refroidissement des serveurs. «Un seul data center peut consommer des millions de litres d’eau par jour posant des défis majeurs dans les régions en stress hydrique», note l’étude. Les concepteurs travaillent sur différents modes de refroidissement alternatifs comme l’immersion liquide ou le river cooling, refroidissement par l’eau froide provenant d’une source naturelle. Mais ces solutions sont encore réservées aux pays au climat tempéré et excluent à priori certains pays en voie de développement.

Enfin la fin de vie des équipements est une autre préoccupation du secteur. La masse des e-déchets, des déchets électroniques augmente cinq fois plus vite que les capacités de recyclage dans le monde. Elle a atteint 62 millions de tonnes en 2022, donc un cinquième seulement ont été correctement recyclés. Ces e-déchets riches en substances toxiques et en métaux précieux représentent un danger et aussi une opportunité économique pour celui qui voudrait investir dans leur recyclage. Le règlement européen sur l’écoconception (ESPR) impose des critères de durabilité et d’utilisation de matériaux recyclés, confirmés par un Passeport produit numérique. Le traitement des déchets électroniques est aussi encadré. Ailleurs dans le monde, la situation est proche de critique, rappellent les auteurs.

Un nécessaire engagement collectif

Les règlementations sont importantes mais elles ne peuvent pas régler tous les problèmes. L’impact environnemental futur du numérique dépendra beaucoup du comportement de ses clients, entreprises et collectivités : «les achats IT responsables sont un levier clé pour réduire l’empreinte environnementale du numérique». Ils se traduisent par l’intégration des critères RSE de plus en plus précis dans les appels d’offres. Qui peuvent compter pour 10% à 25% de la note finale, on ne négligera pas un facteur de cette importance. Quant aux éditeurs de logiciels et entreprises de services du numérique, plus de 90% de leurs émissions des gaz à effet de serre sont concentrées sur le scope 3, surtout liées aux achats de produits et services auprès d’autres fournisseurs de la tech. L’étude préconise un engagement collectif de l’ensemble de la chaine, avec un alignement des objectifs de décarbonation des fournisseurs d’équipements et de services, pour construire une meilleure résilience du secteur du numérique.

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