Malgré le RGPD, les programmes de fidélité ont encore peu évolué

Temps de lecture : 6 minutes

créer des expériences personnalisées @clesdudigitalAvec la mise en place du RGPD, le règlement général sur la protection des données, les enseignes ont désormais le champ libre pour créer des expériences personnalisées pour leur clientèle et surtout innover dans leurs programmes auprès d’une cible qui a accepté de partager ses données. Un an après ce changement de contexte, elles sont encore peu nombreuses à avoir pris le virage.

Selon une étude menée sur le terrain par les équipes de l’éditeur Generix Group et par le cabinet de conseil en stratégie opérationnelle Univers Retail auprès de 75 enseignes de tous secteurs, beaucoup n’ont pas encore repensé leur stratégie relationnelle. Pourtant un client qui accepte de livrer ses données à une marque s’attend en retour à une relation personnalisée, qui ne repose pas forcément sur un élément transactionnel. Ce qui reste pourtant la colonne vertébrale d’une majorité de programmes de fidélité, comme le constate Philippe Petit, product marketing manager de Generix Group :

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Philippe Petit

« La pratique majoritaire consiste à convertir chaque euro dépensé en un point pour 61 % des enseignes étudiées. Or 32% des consommateurs sont prêts à partager davantage leurs données personnelles pour bénéficier d’avantages et d’offres spéciales ».

L’étude menée au premier semestre 2019 éclaire sur la manière dont les enseignes collectent les données et informent leurs clients avec le RGPD qui les oblige à plus de transparence, et comprend un volet sur l’analyse des programmes de fidélité.

Peu d’information sur le futur traitement des données en magasin

Pour le travail initial de collecte des données, l’approche des enseignes reste encore à améliorer. Dans les magasins, la captation est réalisée la plupart du temps par le conseiller en caisse au moment de l’acte d’achat (pour 65% des enseignes) ou avec un questionnaire papier (20%) et favorise la collecte des données essentielles (email, nom, téléphone, code postal…). Le RGPD impose ce principe de collecte minimum. Dans l’ensemble, l’information sur le futur traitement des données reste modeste sur le lieu de collecte (8 % des enseignes étudiées ont mis en place une information par affichage, parfois discret, à proximité des caisses). « Certaines enseignes ont multiplié les supports sur les questionnaires d’adhésion, les flyers, les bornes.. mais toutes initiatives confondues, nous estimons à moins de 15 % les enseignes qui ont transformé la contrainte RGPD en opportunité de communication avec le client. Les équipes de vente sont les grands absents de la démarche. Seulement 11 % des hôtesses de caisse et conseillers dédiés ont été en mesure de répondre aux questions soulevées par les enquêteurs alors que dans le même temps, 44% des d’entre eux savaient informer sur l’intérêt des programmes de relation client ».

créer des expériences personnalisées @clesdudigital  Globalement, 45% des enseignes étudiées réalisent un travail d’information sur le RGPD et dans 89% des cas les vendeurs ignorent ainsi les actions mises en place dans leur enseigne. Les auteurs de cette enquête ont relevé les bonnes pratiques de Damart qui inclut une information détaillée RGPD dans le « welcome pack » remis et commenté par la vendeuse, ou bien les initiatives d’affichage proposées par Boulanger, Conforama ou Gemo, ou encore la démarche de Promod qui allie ticket dématérialisé et information sur le règlement.

Collecte de données en magasin et gages de confiance

Perfectible, cette collecte de données personnelles en magasin est pourtant « la première interaction entre l’enseigne et le client » et l’occasion « d’apporter les gages de confiance quant aux futures interactions prévues par le programme de fidélité.  La capacité de l’enseigne à rassurer est d’autant plus impérieuse que des clients sont inquiets sur les conditions d’utilisation et de conservation de leurs données personnelles ».

Les auteurs ont également scruté à la loupe les chartes de confidentialité. La plupart restent assez accessibles et on été mises à jour sur les sites internet. Ils notent qu’une grande partie d’entre elles (66%) se concentrent principalement sur la collecte digitale des données et non sur la collecte de données personnelles en magasin dans le cadre des programmes de relation client. Par ailleurs 32% des enseignes étudiées disposent encore de chartes ne comportant aucune mention sur la sécurisation des données. « L’étude des 75 chartes de confidentialité disponibles sur internet montre une grande disparité d’information : si la majorité s’en tient à l’essentiel, les enseignes les plus avancées – près de 10% –  ont compris l’opportunité offerte par la transparence et la pédagogie. Les enseignes sont désormais invitées à un changement de regard : passer d’un modèle où elles se considéraient comme propriétaires des données personnelles de leurs clients, à un nouveau modèle dans lequel elles agissent uniquement comme utilisatrices des données qui leur sont temporairement confiées. Nous avons identifié de nombreuses bonnes pratiques qui, mises bout à bout, dessinent les contours de l’enseigne idéale. Exigeant, zappeur, omnicanal, prompt à partager ses avis sur les réseaux sociaux… le consommateur est polymorphe, revendique sa diversité, voire ses contradictions ».

créer des expériences personnalisées @clesdudigitalDe nouveaux programmes de fidélité sont à imaginer

Ce consommateur qui prend le pouvoir, déboussole les stratégies marketing de fidélisation. « A quand des programmes relationnels vraiment omnicanal ? », demande Philippe Petit. Ces programmes sont, en effet, très majoritairement standards (à 75%), ce qui contrevient au principe même de l’omnicanal. 55% des enseignes étudiées proposent uniquement un support physique, tendance dominante dans les enseignes alimentaires, bricolage et beauté.  Seulement une minorité offre pour l’heure la possibilité aux consommateurs de choisir entre un support physique ou dématérialisé (9%). L’étude met  en exergue quelques bonnes pratiques dont celle de Gifi qui, pour sa carte VIP, offre plusieurs alternatives pour rejoindre le programme (l’application mobile gratuite, site Internet Gifi.fr et possibilité pour les clients d’ activer leur carte VIP en magasin, en sollicitant directement un conseiller).

créer des expériences personnalisées @clesdudigitalPeu de personnalisation

Sur les 75 programmes étudiés, 37 % se démarquent et bénéficient d’une appellation permettant de l’identifier (comme Bibi de Franprix, programmes « VIP » de plusieurs discounters proposant à leurs clients un code de reconnaissance). Leurs logiques et modes opératoires, bien qu’ayant évolué avec l’ajout de services (livraisons, échanges sans ticket de caisse) et de privilèges (avant-premières, soirées privées, offres anniversaire), exploitent encore peu les dimensions inhérentes à l’omnicanal et à l’hyper personnalisation des relations avec les consommateurs. 25% seulement des programmes prévoient plusieurs statuts de personnalisation des avantages. « Les enseignes doivent intégrer dans leur stratégie d’entreprise la véritable portée de l’omnicanal pour que leurs programmes de fidélité soient en adéquation avec les attentes de leurs clients, et deviennent un marqueur fort de leur identité de marque », estime pourtant Cyril Villory, manager Univers Retail.

Pour les marques, l’omnicanal se résume très souvent au simple rattachement des programmes initiés en magasin aux comptes en ligne (86% des enseignes étudiées) et elles ne sont que 8% à proposer à leurs clients fidèles un véritable tableau de bord de suivi. Là encore l’étude met en avant quelques bonnes pratiques comme la mécanique de parrainage proposée par Marionnaud et Nocibé qui intègre de manière efficiente les réseaux sociaux, celle d’Etam qui permet, au choix, d’opter pour le don de points à d’autres membres mais également à des organismes caritatifs, celle de Zodio qui valorise l’implication de ses clients et la production de contenus ou encore d’Yves Rocher qui finance la plantation d’un arbre pour toute création de carte de fidélité, en cohérence avec son positionnement.

« Le RGPD qui transcende tous les services offre aux enseignes une opportunité pour repenser leur modèle de relation et d’expérience client en le positionnant au centre. Il serait intéressant de donner au consommateur la possibilité de dessiner son interaction avec la marque, lui donner les moyens de choisir, de passer à des micro-programmes en « one to one ».  N’oublions pas non plus que l’ambition de Google est de capter l’essentiel du trafic avec les internautes. Les enseignes doivent les motiver à consulter leurs sites. Elles sont aujourd’hui à un carrefour », observe Philippe Petit.

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