La confiance, maître-mot de 2023 pour les chefs d’entreprises

Temps de lecture : 6 minutes

renforcer les liens de confiance @clesdudigitalConfrontées aux bouleversements économiques et géopolitiques, les entreprises devront dès l’an prochain renforcer leurs liens de confiance avec leurs consommateurs et leurs collaborateurs, veiller à ne pas tomber dans le piège du greenwashing et renoncer aux programmes qui ne fonctionnent pas, selon Forrester.

Si la chance sourit aux audacieux comme le souligne Forrester dans son récent rapport sur les «Prévisions pour l’Europe en 2023», l’incertitude pour l’an prochain exige pour les entreprises «d’adopter une stratégie stable». «Les deux dernières années ont obligé les entreprises à s’adapter plus rapidement que jamais, à faire des choix plus audacieux et à voir plus grand pour prospérer. En 2023, les chefs d’entreprise avisés devront se concentrer sur leur mission : renoncer aux projets qui ne fonctionnent pas et investir dans la croissance à long terme. Les perturbations économiques et géopolitiques continueront à susciter des craintes et des bouleversements », indiquent les auteurs en préambule de leur étude.

Priorité à la protection de la vie privée et à l’expérience collaborateur

La confiance, que ce soit celle des consommateurs ou celle des employés, sera primordiale. «Les consommateurs en ont assez de voir les entreprises utiliser leurs données personnelles à leur guise». Les sanctions contre les violations de la confidentialité seront ainsi de plus en plus fréquentes. Elles se sont déjà accélérées en France. Dans son dernier rapport d’activité 2021 publié en mai dernier, la CNIL a indiqué avoir procédé à 384 contrôles et les manquements constatés à l’occasion de certaines instructions ont conduit à prononcer 135 mises en demeure et 18 sanctions, pour un montant cumulé d’amendes jamais atteint qui dépasse les 214 millions d’euros. Récemment, après avoir été alerté par l’association Privacy International, l’organisme de contrôle a condamné Clearview AI, une entreprise qui aspire des photographies provenant de très nombreux sites web, y compris des réseaux sociaux (et qui s’est appropriée plus de 20 milliards d’images à travers le monde), à une amende de 20 millions d’euros assortie d’une astreinte de 100 000 euros par jour de retard.

Mais selon le rapport de Forrester, ces répercussions juridiques vont aussi se multiplier dans les entreprises en réponse à la surveillance des employés. «Suite à l’avancée du travail sur le modèle «anywhere-work», certains employeurs se sont tournés vers la surveillance électronique pour contrôler la productivité de leurs employés. Les méthodes utilisées vont de l’enregistrement des frappes au clavier et de captures d’écran à une surveillance plus invasive par webcam. Ces efforts peuvent violer les lois sur la protection des données comme le RGPD». En 2023, les législateurs devraient ainsi se pencher davantage sur la surveillance sur le lieu de travail. «Il y aura également davantage de réactions négatives de la part des employés, de grèves et d’organisations syndicales en réponse à la surveillance», prédisent les auteurs qui incitent les entreprises à donner «la priorité à la protection de la vie privée et à l’expérience collaborateur lors de la mise en œuvre de toute technologie de surveillance, que ce soit à des fins de productivité, de stratégies de retour au bureau ou de gestion du risque interne». Car le travail sur le modèle «anywhere-work» est destiné à durer. Pour attirer et retenir les talents, un tiers des entreprises européennes devront le proposer. En 2022 selon l’enquête Forrester Workforce Survey deux tiers des adultes européens souhaitaient être autorisés à travailler plus souvent à domicile. «Et avec la flambée des prix de l’énergie, même les employeurs réticents auront intérêt à saisir cette opportunité de réduire les coûts de chauffage et de climatisation des bureaux».

Géants de la tech et startups deviennent moins attrayants

Dans son rapport, Forrester prédit par ailleurs que les talents numériques préféreront les entreprises plus conventionnelles aux startups ou autres entreprises technologiques. «Au cours de la dernière décennie, la valorisation considérable des entreprises technologiques et l’abondance des fonds de capital-risque ont détourné les meilleurs talents numériques des entreprises des secteurs plus traditionnels. Mais ce n’est plus le cas». Les géants de la tech gèlent leurs recrutements et licencient. Twitter vient de supprimer la moitié de ses effectifs. Selon le Wall Street Journal, Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, qui compte 87 000 employés dans le monde, devrait annoncer ce jour le licenciement de milliers de personnes. Stripe, spécialiste des paiements, a annoncé son intention de se séparer de 14 % de ses salariés soit plus de 1 000 personnes. Oracle devrait aussi licencier 200 employés selon les informations d’Insider. Le retrait croissant des fonds de capital-risque a conduit des startups européennes comme Gorillas, Memmo et Nuri à réduire leurs effectifs de 10 à 40 %.

«Auparavant, les spécialistes de la technologie et du marketing les plus qualifiés se seraient sans doute défiés de l’idée de travailler pour des organisations de services financiers ou des entreprises de services publics «vieillots». Mais ces secteurs offrent aujourd’hui des salaires attrayants et une stabilité de l’emploi que les startups ne peuvent pas proposer», notent les auteurs.  Mais pour  retenir ces employés une fois que le marché sera de nouveau favorable aux startups, il faudra néanmoins «créer des cultures diversifiées et dynamiques».

Par ailleurs un responsable de service technique ou technologique sur trois sera confronté à une pénurie de talents pourtant nécessaires à la transformation des entreprises, au développement du cloud hybride et à la création de nouvelles applications. «Il faut 69 jours pour pourvoir un poste technologique, contre 41 jours pour le reste du marché. Et il existe en moyenne 200 000 postes vacants dans le secteur de la technologie qui ne peuvent être pourvus en raison d’un manque de candidats qualifiés». En 2023, un tiers des responsables de services technologiques ne pourront pas se contenter de faire appel à leurs prestataires de services techniques habituels et devront élargir leur recherche de talents.

renforcer les liens de confiance @clesdudigital
Laura Koetzle

Devenu un enjeu clé, la RSE sera aussi un nouveau poste de dépense important pour les entreprises. Forrester cite la promulgation d’une loi allemande «Supply Chain Act» qui va faire grimper les coûts  de surveillance des chaines d’approvisionnement. Elle oblige les entreprises à s’assurer qu’elles-mêmes et leurs fournisseurs, protègent les droits de l’homme et l’environnement. Si cette réglementation n’est pas la première en Europe, elle se distingue par sa portée. En 2023, les entreprises de plus de 3 000 employés qui ont des activités en Allemagne devront ainsi signaler toute violation et y remédier, sous peine de se voir infliger des amendes pouvant atteindre 8 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial. Et les questionnaires annuels ne suffiront pas à garantir la conformité. «C’est pourquoi les 600 entreprises auxquelles la loi allemande s’appliquera en 2023 (et les milliers d’organisations de plus de 1 000 employés dont ce sera le tour en 2024) doivent investir dans des solutions leur permettant de surveiller à distance les installations de leurs fournisseurs, proposées par des prestataires comme Aravo et Archer».

RSE, production locale et micro-usines

Le nombre de consommateurs européens «éco-engagés» devrait pour sa part augmenter de 50 %. Selon la segmentation de Forrester, ils sont déjà 24%  en Europe à se soucier de l’environnement et à préférer nettement acheter des produits écologiques. Avec l’évolution de ces comportements, la production locale connaît une hausse de popularité et les investissements dans les micro-usines devraient augmenter de 20 %. «Hautement automatisées, entièrement connectées et définies par logiciel, elles sont de plus en plus reconnues comme solution permettant de réduire l’impact environnemental d’une entreprise, de répondre aux besoins régionaux, d’alimenter les supply chains locales et de réduire les délais de mise sur le marché». Le rapport cite les exploitations d’impression 3D, des entreprises comme la start-up bordelaise Handddle ou encore le chinois JD.com qui a collaboré avec la ville de Changzhou pour connecter 700 micro-usines. «La production locale, les micro-usines prendront de l’ampleur, avec des progrès connexes dans les technologies de collaboration et d’automatisation qui garantissent l’efficacité, la qualité et la protection de la propriété intellectuelle. Les fabricants devraient profiter de cette occasion pour examiner sérieusement le rôle que les micro-usines pourraient jouer dans leur approche plus large pour combiner les capacités de fabrication locales, proches et lointaines».

Les projets d’expériences clients doivent prouver leur ROI

Si l’expérience client reste une priorité, un programme sur cinq va disparaître selon Forrester, faute de pouvoir prouver un retour sur investissement, et un sur dix «va devenir plus performant que jamais». Environ 80 % des entreprises n’articulent pas leur identité de marque autour d’une excellente expérience client selon le rapport et 54 % des équipes d’expérience client ne sont pas en mesure de prouver le retour sur investissement de leurs projets. Certaines de ces équipes seront dissoutes, divisées et absorbées par d’autres fonctions commerciales, tandis que d’autres verront leur influence diminuer. «En revanche, les 20 % des entreprises qui considèrent qu’une excellente expérience client fait partie de l’identité de leur marque récompenseront les équipes capables de démontrer un retour sur investissement positif». Les cadres qui les dirigent obtiendront  des budgets plus importants pour investir en ressources humaines, en technologie ou dans de nouveaux projets. «En résumé, il est temps pour les responsables de l’expérience client de faire leurs preuves», insistent les auteurs.

«Au cours de l’année prochaine, les bouleversements économiques et géopolitiques continueront de déstabiliser les entreprises européennes», observe Laura Koetzle, vice-présidente et directrice de recherche de groupe chez Forrester. «Avec le déclin de la confiance dans les gouvernements, les entreprises européennes ont une carte à jouer et peuvent combler ce vide. Pour y parvenir, elles doivent déterminer quels sont les leviers de la confiance qui comptent le plus pour les consommateurs, identifier les lacunes et élaborer une stratégie qui leur permettent de gagner et de conserver la confiance des consommateurs».

Je souhaite lire les prochains articles des Clés du Digital, JE M’INSCRIS A LA NEWSLETTER

Les Clés du Digital est le média de la transformation digitale = 100% indépendant, 0% pub. Tous nos articles sont exclusifs.
Je peux commander le PDF de cet article

Je soutiens la presse, JE M’ABONNE

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*