Agathe Boidin : une énergie à toute épreuve

Temps de lecture : 6 minutes

toutes les fonctions stratégiques des entreprises @clesdudigitalFemme d’action et de terrain, Agathe Boidin est passée par toutes les fonctions stratégiques des entreprises. Depuis l’été 2020, elle est la patronne de Pacific Pêche, une PME qu’elle a reprise à la barre du tribunal de commerce.

Agathe Boidin est une lilloise. Cette terre propice à l’innovation et au commerce fait naitre aussi de belles carrières féminines. Élevée dans une fratrie de quatre filles, elle est aussi guidée par deux figures masculines : celle de son père expert-comptable et de son grand père commerçant en gros. Une double culture des chiffes et du retail qui influenceront sans doute son parcours professionnel et la conduiront, après des années bien remplies, à la direction du groupe Pacific Pêche, revendeur d’articles pour pêcheurs.

Une fois son bac en poche, Agathe Boidin quitte la région du Nord pour suivre une formation à Eslsca Paris Business School. Ce sont d’abord les chiffres, les bilans comptables, les analyses de performances et les audits qui l’intéressent. Elle commence sa carrière au contrôle financier chez Sarah Lee alors propriétaire de Dim. Aux côtés du patron de l’export, elle consolide, analyse les résultats de neuf filiales européennes selon les normes françaises et américaines. «L’expérience fut très enrichissante. Je baignais dans un mélange de cultures et de méthodes de travail différentes, entre la rigueur allemande, l’esprit chaleureux des Espagnols ou des Grecs». Mais après quatre années passées à Paris, Agathe Boidin a envie de grand air et elle décide de se rapprocher de Montpellier, là ou ses beaux-parents se sont installés. «J’ai cherché un job et j’ai rejoint Orchestra comme DAF. A l’époque l’enseigne montpelliéraine comptait une vingtaine de magasins et affichait un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros». L’entreprise va commencer à se développer notamment à l’export mais Agathe Boidin qui a toujours «le nez dans la finance» rêve d’entrepreneuriat. «J’ai alors proposé à Pierre Mestre (le fondateur d’Orchestra avec sa femme Chantal, ndlr) de concevoir et de gérer le site de vente en ligne, comme une boutique en franchise. Il y avait encore des freins à l’achat textile sur Internet mais je voyais qu’ils pouvaient bientôt être dépassés». Elle réussit si bien à convaincre son patron que celui-ci va lui confier le lancement de cette activité… mais en l’internalisant, car il a vite pris conscience qu’elle deviendrait stratégique.

Rapidement Pierre Mestre la sollicite pour diriger le family office de la holding, gérant 60 millions de dollars d’investissements dans les secteurs du textile, immobilier, hôtellerie de luxe et vin sous la marque Verchant. «J’étais un peu frustrée de ne plus m’occuper du Web. C’était le début », se souvient Agathe Boidin qui a été nommée directrice générale. Pierre Mestre qui n’est jamais à court d’idées lance alors « Club At Cost ». La formule innovante à l’époque repose sur une adhésion à un club pour des achats de vêtements femme et enfant à prix coûtant. «Le site a été créé en six mois et j’étais chargée du développement avec les dirigeants. Mais pour que cela fonctionne nous nous sommes vite rendus compte qu’il fallait atteindre des volumes importants et la marque Verchant n’était pas encore assez connue».

L’aventure va s’arrêter et elle est remplacée par le lancement d’une carte de club payante à 30 euros offrant des remises de 50%. «L’expérience précédente nous avait permis de tester les seuils et le club a été un vrai succès enrôlant un million de membres en France. Cette période a été celle de l’accélération. J’ai repris le poste de directrice des opérations, englobant la finance et la logistique, le commerce». Le groupe grossit à l’international en particulier en Belgique, étend ses activité à la puériculture avec le rachat de la chaine Prémaman, et atteint un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. «De belles années» pour Agathe Boidin qui verra ensuite l’un de ses rêves exaucés avec son départ et son installation aux États-Unis. «J’y étais allée à 18 ans comme jeune fille au pair et j’avais très envie d’y retourner. Quand Pierre Mestre, qui avait décidé de fusionner avec la chaine américaine Destination Maternity, m’a proposée de créer une filiale à Philadelphie j’y suis allée sans hésiter avec ma famille».

toutes les fonctions stratégiques des entreprises @clesdudigitalDe premiers corners Orchestra sont implantés dans les points de vente de l’enseigne américaine mais quelques mois plus tard, les banquiers ne veulent plus suivre et le projet doit être abandonné faute de perspectives de rentabilité. Agathe Boidin dont les enfants sont scolarisés là-bas restera encore un an Outre-Atlantique, effectuant des allers-retours tous les mois en France car elle gère à nouveau le digital pour le groupe. Mais le rythme est difficile et elle ne se sent plus en phase avec le management. Elle quitte alors ses fonctions, mais reste aux États-Unis encore quelques temps en créant son activité de consulting, puis décide de revenir dans l’Hexagone. «Le marché US n’attend pas les Français. Nous nous étions donnés un an avec mon mari et nous sommes rentrés en France en juillet 2019».

L’envie d’entreprendre

Toujours titillée par cette envie d’entreprendre, elle renoue les contacts avec son réseau, en particulier avec Franck Grimonprez, fondateur de Log’s, avec qui elle a partagé les bancs du lycée et qui est aussi le prestataire logistique d’Orchestra. «Contre toute attente, il m’a recrutée car il venait de racheter Viapost, la filiale de La Poste spécialisée dans la logistique e-commerce et il avait besoin de la restructurer rapidement. Nous le ferons sans licenciement, avec un plan de départs volontaires». Mais l’envie de diriger sa propre entreprise est toujours là et la crise sanitaire qui s’installe la pousse à réfléchir encore un peu plus à son projet. «Il y avait aussi des opportunités à saisir pendant cette période». Pacific Pêche en est une. L’entreprise basée à Saint-Gély-du-Fesc dans l’Hérault, créée en 1993 puis vendue en 2016 à un fonds d’investissement « qui n’a pas compris les enjeux de la pêche et a fini par perdre ses équipes, au moins moralement», est en redressement judiciaire. Pour mener à bien cette reprise, la dirigeante qui «ne connait rien à la pêche» monte une équipe aidée du cabinet Axiome pour l’audit. Elle obtient un prêt au Crédit Agricole, embarque aussi le logisticien Log’s au capital et remporte la mise au tribunal de commerce. il faut remotiver les équipes, faire face aussi à la fermeture des magasins qui pourront néanmoins continuer leur activité en vendant pendant le confinement de la nourriture pour poissons et en pratiquant le click and collect. «Nous avons réalisé à cette période 30% de notre chiffre habituel mais ensuite l’activé a explosé». Depuis Agathe Boidin est intarissable sur les différentes techniques de pêche. «Je peux faire des conférences de deux heures ! La carpe, c’est plutôt la nuit. Il y a aussi la mode du « street fishing » qui se pratique sur les bords de rivières en ville, beaucoup de « no kill », la pêche en mer… c’est une activité variée et conviviale pour tous les âges, toutes les catégories professionnelles».

toutes les fonctions stratégiques des entreprises @clesdudigitalLe groupe comptabilise 38 magasin d’environ 800 m2. Ils proposent jusqu’à 15 000 références sur une offre de 30 000 au global. «Il faut sélectionner cette offre selon les emplacements». Les magasins sont en cours de rénovation et les systèmes d’informations sont revus avec le déploiement du logiciel de gestion d’entrepôt Bext d’Infflux, la bascule des logiciels de caisses vers la solution Y2 de Cegid. «Le site était déjà sur la plateforme de Salesforce Commerce Cloud quand je suis arrivée. Mais il y a encore beaucoup de choses à développer». Un prochain point de vente ouvrira à Montpellier en 2023 accolé à un Botanic. Agathe Boidin dirige aujourd’hui 240 personnes et elle a reconstitué un Codir autour d’elle car l’ancienne équipe dirigeante avait quitté le navire. « Nos chefs de produits et nos vendeurs sont tous des pêcheurs. Il fallait aussi renforcer les expertises retail, internet, marketing».

Agathe Boidin a quant à elle repris ses fonctions de DAF en plus de ses missions de dirigeante. «Je veux redonner confiance, donner l’accès aux informations… j’ai aussi constitué un plan de rémunération variable pour les vendeurs et un plan d’intéressement. Si on gagne, tout le monde gagne. Je veux que chacun considère que c’est un peu sa boite. Je n’aurais rien pu faire et je ne peux rien faire toute seule». La dirigeante veut aussi aider d’autres femmes à entreprendre. «Beaucoup n’osent pas se lancer dans des projets», estime Agathe Boidin qui a été membre du club Ladies’ Circle qui soutient ces initiatives au féminin, est membre du Medef dans sa région et adhère au réseau Entreprendre.

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